La cour Pénale Internationale (CPI) a annoncé le 20 mai avoir lancé un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis dans la bande de Gaza. « Sur la base des éléments de preuve recueillis et examinés par mon bureau, j’ai des motifs raisonnables de croire que Benyamin Netanyahu, premier ministre d’Israël, et Yoav Gallant, ministre de la Défense, portent la responsabilité pénale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis sur le territoire de l’Etat de Palestine (dans la bande de Gaza) à partir du 8 octobre 2023 au moins », a déclaré dans un communiqué le procureur de la CPI, Karim Khan. En réaction au mandat, Israël a dénoncé ce qu’il appelle « le déshonneur historique de la CPI ».Des mandats similaires ont été lancés contre le chef du mouvement de résistance islamique Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinwar, commandant en chef de la branche armée du Hamas, Mohamed Diab Ibrahim Al-Masri et le chef de la branche politique du Hamas Ismaïl Haniyeh.
En novembre dernier, le bureau du procureur de la CPI, Karim Khan, a reçu une saisine de cinq Etats signataires du traité créant la CPI. L’Afrique du Sud, le Bangladesh, la Bolivie, les Comores et Djibouti demandent une enquête sur la « situation dans l’Etat de Palestine ». Plus tôt le même mois, un collectif composé d’une centaine de juristes de plusieurs pays avait déposé une plainte pour « génocide » à Gaza, alors que trois organisations palestiniennes de défense des droits humains ont également porté plainte auprès de la CPI pour « crimes de guerre », « apartheid », « génocide » et « incitation au génocide », en demandant l’émission de mandats d’arrêt contre les trois dirigeants israéliens. La plainte évoque « les bombardements sur une zone densément peuplée, le siège de Gaza, le déplacement forcé de la population de Gaza, l’usage de gaz toxique et la privation de nécessités telles que la nourriture, l’eau, l’essence et l’électricité ».
La CPI avait déjà ouvert une enquête en 2021 sur les crimes commis dans les territoires palestiniens occupés. Cette procédure vise l’ensemble des violations du droit international commises à partir du 13 juin 2014 par l’occupation israélienne. Mais Israël n’est pas membre de la CPI et le premier ministre israélien, Netanyahu, n’a cessé de tenter de saper ses travaux. Il présente l’enquête sur la Palestine comme de « l’antisémitisme pur ».
Pressions contre la CPI
Dans un message posté sur le réseau social X, le 26 avril, le premier ministre israélien a assuré qu’« Israël n’acceptera jamais aucune tentative de la CPI de porter atteinte à son droit inhérent à la défense légitime ». Et d’ajouter : « Même si la CPI n’affectera pas les actions d’Israël, elle créera un dangereux précédent qui menacera les soldats et les responsables de toutes les démocraties luttant contre le terrorisme sauvage et les agressions gratuites ».
Par ailleurs, Netanyahu a exhorté les Etats-Unis à faire pression sur la CPI. C’est ainsi que le site d’information américain « Axios » a rapporté que Netanyahu avait demandé au président américain, Joe Biden, lors d’une conversation téléphonique, de l’aider à empêcher l’émission de mandats d’arrêt par la CPI qui pourraient le cibler personnellement ou cibler son ministre de la Défense ou son chef d’état-major.
Ces dernières semaines, les autorités des Etats-Unis et d’Israël ont fait des déclarations incendiaires au sujet de la CPI, qualifiant les actions potentielles du procureur de « sans foi ni loi », de « honteuses » et tout mandat éventuel d’ « agression scandaleuse » et d’« abomination ».
« Les tentatives des Etats-Unis d’entraver l’enquête de la CPI ou de l’empêcher d’émettre des décisions à ce sujet représentent une ingérence flagrante dans l’indépendance du pouvoir judiciaire international et constituent une violation des dispositions du Statut de Rome, qui interdit toute ingérence dans les travaux de la Cour ou toute pression sur elle », commente Dr Mohamed Mahmoud Mahran, professeur de droit international public, en ajoutant qu’Israël est susceptible d’utiliser son influence à Washington pour pousser l’Administration américaine à imposer des sanctions à la Cour et à ses juges. Ce ne sera pas une première. L’Administration de Donald Trump avait sanctionné en 2020 l’ex-procureur de la CPI, Fatou Bensouda, et un autre responsable de la cour et imposé plusieurs restrictions de visas contre des membres du personnel de la juridiction basée à La Haye pour gêner ses enquêtes en Afghanistan et en Palestine contre des responsables américains et israéliens.
Dans ce contexte, des experts de l’ONU ont publié un communiqué dans lequel ils ont exprimé leur profonde consternation face aux déclarations émises par des responsables américains et israéliens menaçant d’exercer des représailles contre la CPI, ses fonctionnaires et les membres de leurs familles. « A l’heure où le monde devrait s’unir pour mettre fin à la terrible effusion de sang à Gaza, il est affligeant de voir des représentants d’Etat menacer de prendre des mesures de rétorsion contre une Cour qui poursuit la justice internationale », ont déclaré ces experts.
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