Alors que les forces d’occupation israéliennes envahissaient Rafah et prenaient le contrôle de la partie palestinienne du point de passage de Rafah, Jean-Yves Le Drian, ancien titulaire des portefeuilles de la Défense et des Affaires étrangères en France, disait au Caire que « le drame qui se déroule à Gaza aura finalement eu pour effet de rappeler au monde que la question palestinienne demeurait centrale non seulement pour les populations arabes, et au-delà dans le monde musulman, mais aussi pour une partie non négligeable des opinions occidentales, y compris américaines ».
Envoyé spécial du président français au Liban, Le Drian était en Egypte pour des entretiens avec le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Shoukry, avant de transiter pour quelques heures au Club diplomatique à Tahrir.
Il était l’invité d’un symposium organisé par la Fondation Kemet Boutros Ghali, sur les défis au Moyen-Orient, et c’était l’occasion pour lui de se livrer à quelques impressions personnelles devant un auditoire diplomatique comprenant Shoukry et ses prédécesseurs, Nabil Fahmy et Amr Moussa, ainsi que des membres du corps diplomatique égyptien et étranger, des parlementaires, des politiciens et des politologues.
« Certains pensaient que la question palestinienne pourrait être réglée par le développement économique seulement », disait-il, en évoquant les accords d’Abraham de normalisation des relations entre les pays arabes et Israël. « On règle la question par la reconnaissance du peuple et de son droit, nous ne pouvons pas laisser la question disparaître sous l’hypothèse de l’économie », a encore dit le diplomate français.
S’il a réitéré le rejet de la France d’une attaque « à grande échelle à Rafah », et souligné que « les souffrances des populations à Gaza sont insupportables et inacceptables » et qu’Israël doit respecter le droit international humanitaire, tout comme la majorité des dirigeants occidentaux, Le Drian a estimé qu’Israël exerce « un droit de défense légitime ». Il a même affirmé que « la France a pris l’initiative, conjointement avec l’Allemagne et l’Italie, de proposer un régime européen de sanctions visant spécifiquement les responsables du Hamas », omettant encore que, comme l’avait éloquemment exprimé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, « le 7 octobre ne s’était pas produit dans le vide ».
Le Drian, qui a condamné les représailles iraniennes contre Israël du 13 avril et affiché sa crainte d’un basculement de la guerre après la riposte d’Israël du 19 avril contre des installations à Ispahan, n’a pas non plus cité l’autre date du 1er avril, lorsqu’Israël a bombardé le consulat iranien de Damas, tuant 13 personnes.
Lors de son discours d’ouverture, le président du conseil d’administration de la Fondation Kemet, Mamdouh Abbas, a vivement critiqué la politique de « deux poids, deux mesures sans précédent dans le traitement d’une agression odieuse contre le seul peuple sous occupation qui réclame son droit à l’autodétermination depuis plus de 75 ans ». Abbas a souligné les violations par Israël de « toutes les conventions et normes internationales, sans la moindre tentative de freiner sa sauvagerie ». La communauté internationale lui a « donné carte blanche pour tuer plus de 35 000 civils, dont la plupart sont des femmes et des enfants. Et il reçoit des armes pour des milliards de dollars sans plafond ».
La solution à deux Etats, « seule option »
Le Drian ne cache pas les craintes d’une ramification de ce conflit sur la déstabilisation de la région et sur l’ordre international dans son ensemble et a réitéré ce que le président français avait souligné comme les risques que l’accroissement du fossé entre le nord et le sud pourrait engendrer. « C’est dans cet esprit que nous sommes favorables à la réforme du Conseil de sécurité des Nations-Unies, comme du reste des institutions financières internationales », a-t-il dit.
Insistant sur la singularité des relations de la France avec les pays de la région et en tête la question palestinienne, Le Drian a réaffirmé l’engagement de longue date de la France à promouvoir la solution à deux Etats comme la seule option politique pour la stabilité à long terme dans la région. Il avait le mérite de rappeler que la solution à deux Etats constitue la « seule option politique permettant d’apporter à la région la stabilité dans la durée » et de condamner « les actes unilatéraux susceptibles de compromettre cette solution ».
Et Gaza ? « Pour la France, l’avenir de la bande de Gaza et de ses habitants devra s’inscrire dans un Etat palestinien unifié vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël. La France avait du reste rappelé aux autorités israéliennes qu’il ne revenait pas au gouvernement israélien de décider où les Palestiniens doivent vivre sur leurs terres ».
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