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Emad Gad : L’offensive de Rafah est, pour Netanyahu, une question de vie ou de mort car il n’a pas réalisé ses objectifs

Maha Salem , Mercredi, 20 mars 2024

Où en sont les pourparlers sur une trêve à Gaza ? Quelles sont les positions du Hamas et d’Israël ? Et qu’en est-il de l’éventuelle offensive terrestre contre Rafah ? Eléments de réponse avec Dr Emad Gad, vice-président du Centre des études politiques et stratégiques d’Al-Ahram.

L’offensive de Rafah est, pour Netanyahu, une question de vie ou de mort car il n’a pas réalis&
(Photo : AFP)

Al-Ahram Hebdo : Selon les dernières informations, les discussions en vue d’une trêve s’intensifient à Doha et cette fois-ci, le chef du Mossad, David Barnea, s’est rendu lui-même au Qatar pour discuter de l’accord de trêve. Est-ce une lueur d’espoir qui annonce un prochain cessez-le-feu ?

Dr Emad Gad : Le cabinet de sécurité et le cabinet de guerre israéliens se sont réunis à la veille de ce déplacement du chef du Mossad afin de déterminer la position de la délégation israélienne dans les négociations. Jusqu’à présent, les pays médiateurs, l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis, ne sont pas parvenus à arracher un accord. Mais les pressions s’intensifient. C’est dans ce contexte qu’intervient la visite d’Antony Blinken, prévue ce mercredi 20 mars en Arabie saoudite, puis ici en Egypte le lendemain.

Cependant, avec l’intransigeance israélienne quant à ses objectifs, dont l’anéantissement du Hamas, il est difficile d’imaginer la fin de guerre. L’un des scénarios possibles serait que les dirigeants du Hamas et d’autres factions palestiniennes quittent Gaza et se dirigent vers le Qatar. Ils peuvent devenir un parti politique et participer aux élections. Mais c’est un scénario difficile à réaliser. Israël est déterminé à garder entre ses mains le contrôle de la sécurité dans la bande de Gaza. Et les autorités israéliennes ont déjà commencé à mettre en place leurs plans à cet effet.

— Parallèlement aux pourparlers pour une trêve, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a approuvé les plans d’action de l’armée en vue d’une offensive à Rafah. N’est-ce pas contradictoire ? Et pourquoi insiste-t-il à mener cette offensive ?

— Netanyahu promet depuis le 7 octobre 2023 de poursuivre la guerre jusqu’à l’élimination du Hamas et a annoncé à plusieurs reprises une offensive prochaine contre Rafah, où sont massés environ un million et demi de Palestiniens. Pour lui, l’offensive de Rafah est une question de vie ou de mort car jusqu’à maintenant, il n’a pas réalisé les buts de cette guerre. Il n’a ni détruit le Hamas, ni arrêté ses dirigeants, ni libéré les otages. En plus, le gouvernement israélien de Netanyahu fait face à une intense pression de la part de l’opinion publique en raison de la question des otages. Jusqu’à présent, cette guerre est une vraie défaite pour lui. Une faute fatale et grave dans son histoire politique et militaire. Pour Netanyahu, Rafah est le dernier bastion du Hamas. Par ailleurs, le Hamas parie sur le rejet de la communauté internationale du plan de Netanyahu concernant l’offensive à Rafah. En effet, la communauté internationale est contre ce plan car il ne mentionne pas la protection des civils. Washington, pour sa part, réitère son opposition à toute offensive à Rafah mettant en péril les civils qui y sont réfugiés. Et la communauté internationale ne veut pas d’autres massacres contre les civils alors que le bilan est déjà très lourd. Ce bilan, en plus de la catastrophe humanitaire et des risques de famine, pèse fort sur la conscience mondiale.

— Certains font état d’un infléchissement de la position du Hamas dans les négociations. Quelles étaient ses conditions et sur quoi est-il prêt à faire des concessions ?

— Au départ, le Hamas exigeait un cessez-le-feu définitif à Gaza avant tout accord sur les otages. Il est désormais prêt à une trêve de six semaines. Dans le cadre de cette trêve, 42 otages femmes, enfants, personnes âgées et malades pourraient être libérés en échange de 20 à 50 prisonniers palestiniens.

Plusieurs raisons ont poussé le Hamas à infléchir ses postions et baisser la barre de ses exigences. D’abord, l’ampleur de la destruction causée par la guerre qui a dépassé toutes les estimations du Hamas. La population gazaouie elle-même a commencé à protester, selon les médias locaux à Gaza qui ont fait état de manifestations dans la bande de Gaza. La population en a assez de la guerre qui a bouleversé sa vie. La deuxième raison est que les capacités militaires du Hamas ont diminué. Le Hamas a perdu 90 % de sa puissance. Leur influence politique, militaire, sociale et financière est nettement affaiblie. La troisième raison est que les dirigeants du Hamas qui vivent au Qatar sont soumis à une forte pression de la part des médiateurs, notamment l’Egypte et le Qatar. Et la dernière raison est que la communauté internationale soutient l’Autorité palestinienne et a poussé le président Mahmoud Abbas à former un nouveau gouvernement composé de technocrates. Ce gouvernement devrait diriger Gaza après la guerre.

— Mais le Hamas va-t-il accepter cela ?

— Abbas a nommé un de ses fidèles, l’économiste Mohammad Mustafa, comme premier ministre, pour tenter de renforcer son leadership affaibli et retrouver de la crédibilité pour diriger Gaza après la guerre. Mais ce gouvernement est déjà critiqué par le Hamas, le Jihad islamique et d’autres formations qui estiment que ce gouvernement renforcera les divisions inter-palestiniennes. Car Mustafa a insisté sur la nécessité d’un Etat palestinien regroupant Gaza et la Cisjordanie. Des déclarations refusées par le Hamas.

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