Après d’intenses combats, les rebelles ont renforcé leur contrôle sur la région nord de la Syrie, à la frontière de la Turquie. Ils continuent d’opposer une forte résistance à l’armée dans leurs bastions soumis à de violents bombardements dans le reste du pays.
La situation à la frontière syro-turque semblait calme après 4 jours consécutifs de bombardements de l’armée turque contre des cibles en Syrie, Ankara ripostant désormais systématiquement à des tirs syriens sur son territoire, ravivant les craintes d’une propagation du conflit syrien. La Turquie a riposté contre la Syrie au lendemain de la mise en garde du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, selon laquelle son pays ne reculera devant aucune provocation.
Ces bombardements ont débuté mercredi 3 octobre, en représailles à un tir de mortier des forces loyalistes syriennes qui a tué cinq civils turcs. Cette série de frappes constitue la plus importante escalade à la frontière turco-syrienne depuis le début de la révolte contre le président syrien Bachar Al-Assad en mars 2011. Ankara adopte une attitude « dissuasive », a déclaré samedi le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, faisant référence à l’autorisation donnée par le Parlement à une action militaire en territoire syrien. « En donnant ce mandat, nous n’avons pas signé de déclaration de guerre, nous avons montré à l’Administration syrienne notre force de dissuasion, faisant ainsi les mises en garde nécessaires pour éviter le déclenchement d’une guerre », a-t-il dit. « Désormais, s’il y a une attaque contre la Turquie, elle sera refoulée ».
« Homme de raison »
Faisant pression sur le régime syrien, le chef turque de la diplomatie, Ahmet Davutoglu, a estimé que le vice-président Farouk Al-Chareh « est un homme de raison » et pourrait remplacer Bachar Al-Assad à la tête d’un gouvernement de transition en Syrie pour arrêter la guerre civile, surtout après l’avancée des rebelles. Ces derniers ont besoin d’armes lourdes pour vaincre les forces gouvernementales, une demande revendiquée par l’opposition et les rebelles à plusieurs reprises. Mais les Etats-Unis, notamment, estiment que ces armes pourraient tomber entre de mauvaises mains et refusent d’en équiper les rebelles.
Face à ces réticences des Etats-Unis à l’idée d’armer des islamistes, l’Arabie saoudite et Qatar ont aussi renoncé jusqu’à présent à livrer des armes lourdes qui pourraient renverser le cours de la guerre civile. Sans armes lourdes, les rebelles ne peuvent résister aux troupes loyales au président Bachar Al-Assad, qui sont mieux équipées.
Des responsables saoudiens et qataris ont confié au New York Times qu’ils espéraient convaincre les Etats-Unis qu’il était possible de livrer des lance-missiles portatifs sol-air et d’autres types d’armes lourdes sans que celles-ci finissent dans l’arsenal de terroristes et autres djihadistes. Le ministre d’Etat qatari aux Affaires étrangères, Khaled Al-Attiyah, a estimé que pour livrer des armes plus dangereuses, « il nous faut d’abord obtenir le soutien des Etats-Unis, et de préférence aussi celui des Nations-Unies ».
Armes légères
Jusqu’à présent, l’Arabie saoudite et le Qatar ont financé et fourni des armes légères à l’opposition syrienne, tandis que le président américain Barack Obama, peu soucieux d’accroître son aide aux rebelles en cette année d’élection présidentielle, s’est contenté de donner son feu vert à un soutien logistique des Etats-Unis à ces mêmes rebelles. Les Nations-Unies ont refusé toute livraison d’armes lourdes ou toute intervention militaire en Syrie.
L’Onu a condamné l’attaque syrienne contre la Turquie et a demandé l’arrêt immédiat d’une telle violation du droit international. L’émissaire international pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, doit se rendre à Ankara avant une visite du président russe, Vladimir Poutine, dans les 10 jours. Moscou, allié de Damas, a dit avoir reçu l’assurance du régime syrien qu’un tel incident ne se reproduirait pas. En effet, la guerre déclenchée par la répression sanglante d’une contestation pacifique en mars 2011 réclamant des réformes ne montre aucun signe d’un dénouement à court terme, les violents combats mettant le pays à feu et à sang faisant plus de 31 000 morts, selon une ONG, et amenant à la destruction de régions complètes.
Essayant de trouver une issue pour calmer la situation, le représentant à Damas de Lakhdar Brahimi a rencontré dimanche dernier des membres de l’opposition armée dans le cadre des discussions voulues par l’émissaire international avec toutes les parties du conflit. Mokhtar Lamani s’est rendu dans plusieurs régions et a rencontré des dirigeants de l’opposition armée. Selon le porte-parole de la mission de l’Onu, Khaled Al-Masri, « ces rencontres s’inscrivent dans le cadre de la mission de Lakhdar Brahimi visant à contacter et à discuter avec toutes les parties syriennes pour écouter leurs points de vue à propos de la crise ». Brahimi, qui a succédé à Kofi Annan dont le plan de paix n’a jamais été appliqué, s’était rendu à Damas à la mi-septembre pour rencontrer le président Assad, sans obtenir de concession notable de sa part.
Main tendue
Pourtant, le ministre syrien de la Défense, le général Fahd Al-Freij, a tendu la main à l’opposition et aux rebelles en assurant, lundi dernier, que la victoire était proche. « La patrie ouvre ses bras à tous ses enfants, y compris ceux qui ont commis des erreurs et veulent revenir dans son giron », dit-il.
Refusant cette main tendue, l’opposition a insisté sur le départ de Bachar avant toutes négociations. Le chef du Conseil National Syrien (CNS), la principale coalition de l’opposition syrienne, a accusé le régime de Damas d’avoir voulu exporter la crise syrienne en bombardant un village frontalier turc. « Cet incident a été créé par le régime syrien car, depuis le début, ce régime tente d’exporter la crise syrienne », a affirmé Abdel-Basset Sayda. « Il pense qu’avec (ce bombardement) il va pouvoir transformer ce conflit en un conflit régional », a-t-il ajouté.
Souvent critiqué dans les rangs de l’opposition pour son manque de représentativité et son inefficacité, le CNS a par ailleurs annoncé avoir mené à leur terme des réformes pour élargir sa base. Le CNS a ouvert ses portes à 39 nouveaux mouvements révolutionnaires locaux, qui représentent désormais un tiers des membres de la coalition.
Selon Samir Nashar, du comité exécutif du CNS, 25 nouvelles forces politiques allant de la gauche aux nationalistes, en passant par des mouvements libéraux ou islamistes, ont fait leur entrée dans le CNS, portant la part des politiques à 45 % des membres du Conseil. Ce dernier a aussi accueilli 24 ONG et des hommes d’affaires en plus de femmes qui représentent à présent 15 % de ses membres. Ce CNS réformé, qui passe de 300 à 600 membres, se réunira à la mi-octobre à Doha.
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