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L’opposition maintient la pression

Maha Al-Cherbini , Mardi, 09 octobre 2012

Le roi Abdallah II a affirmé son engagement sur la voie des réformes démocratiques, en créant une Cour constitutionnelle et en appelant à des élections anticipées. Des mesures jugées insuffisantes par les Frères musulmans, principaux opposants.

Jordanie
1500 personnes ont manifesté au 'Vendredi du salut du pays' pour réclamer des réformes(Photo: Reuters)

Dans la foulée du Printemps arabe, une épreuve de force se poursuit de plus belle entre le pouvoir et l’opposition en Jordanie depuis 20 mois. Sous les feux de l’opposition — menée par les Frères musulmans — qui réclame des réformes de fond et une révision totale du système électoral, le roi jordanien Abdallah II a fait un pas important sur la voie des réformes, en créant, samedi, une Cour constitutionnelle et en désignant ses 9 membres. Une décision jugée par les experts comme une « importante avancée » sur la voie des réformes démocratiques. En fait, cette Cour, la première du genre dans le royaume, est la seule à pouvoir vérifier la conformité des lois à la Constitution. Elle serait présidée par Taher Hekmat, un spécialiste du droit qui dirigeait le Conseil d’administration du centre national des droits de l’homme. « Cette juridiction offre une garantie importante pour la séparation des pouvoirs et pour le respect des droits de libertés des citoyens », affirme le roi jordanien, alors que le président de la nouvelle institution a insisté que la création de cette Cour répond à la revendication d’une bonne partie des Jordaniens en référence à l’opposition islamiste qui réclamait une Cour indépendante.

La création de cette Cour intervient, en fait, 2 jours après la décision du roi de dissoudre le Parlement et d’appeler à des élections anticipées, dont il souhaite la tenue avant la fin de l’année. Des mesures qui n’ont pourtant pas convaincu ses opposants qui ont décidé de boycotter ces prochaines élections, tant qu’il n’y aurait pas eu des réformes de fond. « Nous ne prendrons pas part aux élections, car nous exigeons des gouvernements parlementaires et un Parlement réel », ont défié vendredi les Frères musulmans, qui accusent le système électoral en vigueur de privilégier les régions rurales, considérées comme loyales au gouvernement, dont les partisans dominent le Parlement. Ils demandent, en particulier, un système parlementaire dans lequel le premier ministre serait élu et non plus nommé par le roi, sans pour autant réclamer le départ du roi Abdallah II.

Boycott islamiste

En effet, la Constitution prévoit des élections tous les 4 ans, mais la Jordanie a organisé des élections anticipées, boycottées par les islamistes en 2010 après la dissolution du Parlement par le roi. Afin de convaincre les islamistes de participer au prochain scrutin et de ne pas le boycotter comme la fois passée, la loi électorale a été modifiée en juin dernier pour augmenter le nombre de sièges attribués lors du scrutin de parti de 17 à 27. Pourtant, cette modification était sans lendemain. Selon cette loi, les votants devront choisir deux bulletins : un pour des candidats individuels dans leur gouvernorat et un pour les partis politiques ou les coalitions à l’échelle du pays.

Face à l’intransigeance des Frères musulmans, Abdallah II a qualifié cette attitude d’« énorme erreur de calcul », estimant que le scrutin était une étape fondamentale dans le processus des réformes et la marche vers la transition. « Je dis aux Frères musulmans, vous avez le choix : soit rester dans la rue, soit aider à construire la nouvelle Jordanie démocratique », a-t-il lancé. Partageant la même colère, le porte-parole du gouvernement a affirmé : « Les islamistes devraient vraiment réfléchir à participer aux élections et entrer au Parlement pour œuvrer au sein de la Chambre plutôt que dans la rue en faveur des réformes ».

Malgré la main tendue par le roi et son engagement sur la voie des réformes, l’opposition jordanienne paraît tenace et inflexible depuis janvier 2011, faisant des manifestations — petites mais régulières — son excellente carte de pression sur le pouvoir. Malgré la décision du roi jeudi de dissoudre le Parlement et d’appeler des élections anticipées, 15 000 personnes ont manifesté vendredi dernier — « Vendredi du salut du pays » — à l’appel des Frères musulmans. Au moins 2 000 policiers ont été déployés pour empêcher toute violence lors de la manifestation qui a commencé après la grande prière hebdomadaire. Dans un communiqué, la police jordanienne a annoncé avoir empêché un groupe de jeunes d’attaquer les manifestants, après l’arrestation de 8 personnes et la saisie d’armes à feu dans des bus se dirigeant vers le centre d’Amman. Devant la mosquée d’Al-Husseini, les manifestants se sont rassemblés avec une grande banderole détaillant leurs exigences : une loi électorale démocratique, des changements dans la Constitution, des gouvernements élus, un pouvoir judiciaire indépendant, une Cour constitutionnelle, une lutte efficace contre la corruption et une non-ingérence de la sécurité dans la vie politique. « Cela fait 20 mois que nous manifestons et vous n’avez toujours pas compris nos demandes » ou « Nous voulons une révision de la Constitution avant que le peuple ne se révolte ! Nous voulons une réforme du régime », ont scandé les manifestants.

Rejetant les « rumeurs provocatrices » selon lesquelles ces rassemblements ne représentent que les Frères musulmans et ne visent qu’à chasser le roi, Hammam Saïd, dirigeant des Frères musulmans, a affirmé : « Nous réclamons une véritable réforme constitutionnelle qui donnerait du pouvoir au peuple jordanien. Nous ne défions personne et nous ne voulons provoquer personne ». Pour ne pas diviser le pays, une manifestation rivale, en soutien au roi, prévue vendredi, a été reportée sine die, « pour empêcher d’éventuels troubles », avaient indiqué ses organisateurs.

Selon les analystes, il n’est pas prévu que les manifestations de l’opposition s’arrêteraient en Jordanie malgré l’engagement du pouvoir sur la voie des réformes, car les Frères musulmans continueraient de brandir la menace des manifestations de temps à autre pour s’assurer que toutes les réformes revendiquées sont mises en œuvre. Quoi qu’il en soit, les Jordaniens ont jusqu’au 15 octobre pour s’inscrire sur les listes électorales dans la perspective d’élections anticipées. Plus de 1,85 million de personnes s’y sont déjà inscrites, sur près de 3 millions d’électeurs.

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