Rien ne va plus à Deir ez-Zor, au nord-est de la Syrie. La situation reste tendue bien que les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) aient annoncé la semaine dernière la « fin des opérations militaires » dans l’est de la Syrie où elles tentaient de déloger des combattants de tribus arabes locales, après des combats qui ont duré plus de 2 semaines et qui ont fait au moins 90 morts. Mais aussitôt après, de nouvelles violences ont éclaté, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH).
Les tensions ont commencé le 27 août, lorsque les FDS ont arrêté Ahmed Al-Khabil, chef du Conseil militaire de la province de Deir ez-Zor, ce qui a provoqué la colère de ses partisans et déclenché une vague de violences dans des secteurs dans les régions kurdes de cette province.
Or, la tension n’a pas baissé depuis. Les FDS ont arrêté 35 membres des tribus arabes. Lesquelles promettent vengeance. « Cette escalade dévoile la complexité de la situation dans cette région. Le nord de la Syrie est une région stratégique pour toutes les parties : les Kurdes, les Etats- Unis qui les soutiennent, Damas et Ankara. Et chacun de ces camps entend protéger ses intérêts dans la région », explique Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques. Soutenues par les Etats-Unis, les FDS, qui contrôlent de vastes territoires du nord-est syrien, ont été le fer de lance de l’offensive qui a défait le groupe extrémiste de Daech en Syrie en 2019. Et ce sont les FDS « qui ont permis l’entrée des conseillers américains sur place, car elles aident les Américains dans la lutte contre les djihadistes », explique l’analyste, tout en ajoutant : « Or, cette forme de présence américaine provoque la colère du président syrien, Bachar Al-Assad, et de son principal allié l’Iran. En même temps, la Turquie, qui a un pied dans cette région et pour laquelle la question kurde est une source constante d’inquiétude, est elle aussi en colère ». En effet, la partie de la province de Deir ez-Zor à grande majorité arabe, située à l’est de l’Euphrate, est contrôlée par les FDS, tandis que les forces du régime et les combattants affiliés à l’Iran sont stationnés sur la rive ouest. Quant aux autorités kurdes, elles gèrent les régions sous leur contrôle dans cette province par l’intermédiaire de conseils civils et militaires locaux, afin d’éviter de mécontenter les tribus arabes locales.
Risque de résurgence de Daech ?
Selon l’analyste, toute la difficulté, et surtout tout le risque, réside dans le fait que l’heure de l’entente arabo-kurde est finie. Ce qui ouvre la voie à des tensions répétitives qui peuvent même s’aggraver. « Chaque camp essayera de renforcer son influence et de préserver ses intérêts. Et plusieurs parties vont souffler sur les braises, chacune pour ses propres raisons. Daech, qui n’a pas complètement disparu, va en profiter pour tenter de renaître de ses cendres », estime Soliman. En même temps, explique-t-elle, le régime syrien est obligé de soutenir les tribus arabes, et pour garantir leur loyauté, il leur a promis certains privilèges. Car les Kurdes de Syrie aspirent à une autonomie comme c’est le cas en Iraq. Ce à quoi s’oppose Damas évidemment. Côté turc, Ankara, qui déploie des troupes dans le nord de la Syrie, considère les forces kurdes comme des terroristes et s’inquiète de la présence de Daech à ses frontières.
Reste un dernier — et pas des moindres — acteur : les Etats-Unis. Washington est intervenu pour tenter d’empêcher que les combats ne dégénèrent en conflit ouvert entre Kurdes et tribus arabes. Deux médiateurs américains ont rencontré dimanche 10 septembre des responsables des FDS et des dirigeants tribaux. Une démarche qui peut apaiser les tensions, mais ne risque pas de résoudre les problèmes de fond.
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