La province de Soueida est le théâtre de manifestations depuis deux semaines. (Photo : AP)
La province de Soueida, berceau de la minorité druze en Syrie, sous contrôle du régime, est le théâtre de manifestations depuis mi-août. Une colère nourrie par la hausse vertigineuse du coût de la vie dans un contexte de forte détérioration des conditions de vie dans le pays, après la fin des subventions gouvernementales sur les carburants, mais qui a pris un tournant politique. Selon des témoins cités par l’AFP, les manifestations de vendredi dernier ont rassemblé plus de 2 000 personnes. « C’est la première fois qu’une foule aussi nombreuse se rassemble pour protester contre Bachar Al-Assad », le président syrien, a déclaré un manifestant sous couvert d’anonymat, alors que c’est la première fois depuis 2011 que des slogans antirégime sont scandés. Des images publiées montraient femmes et hommes rassemblés sur la place centrale de Soueida, scandant des slogans antigouvernementaux et brandissant le drapeau druze multicolore.
Jusqu’ici, les manifestations n’ont pas été réprimées et les protestataires se sont attaqués à des symboles du pouvoir, fermant les permanences du parti Baas et déchirant des portraits du dirigeant syrien, ont indiqué deux activistes à l’AFP. « Les gens ont compris qu’il n’y aurait pas de solution économique sans une solution politique », a déclaré un militant ayant participé au rassemblement. Or, l’élément le plus alarmant réside dans le fait que Soueida, fief de la minorité druze, 3 % de la population, est restée largement à l’écart depuis le début du conflit en Syrie. Et selon les observateurs, le soulèvement de la minorité druze marque un tournant dans la révolution syrienne d’autant plus qu’ils sont considérés comme des alliés des plus loyaux à Bachar Al- Assad.
Seule Soueida continue d’être agitée par des protestations quotidiennes, selon l’AFP. Mais ces dernières semaines, les manifestations avaient aussi gagné d’autres villes syriennes de la province de Deraa, le berceau du soulèvement populaire en 2011, a constaté l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni.
Tensions à Deir ez-Zor
Mais parallèlement, un autre foyer de tension se situe ailleurs, dans les régions kurdes. Cinq personnes ont été tuées dans la nuit de jeudi 30 à vendredi 31 août lors de combats dans la province orientale de Deir ez- Zor, entre les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, et le « Conseil militaire de Deir ez-Zor », faction des mêmes FDS, mais composée de combattants arabes. Cela porte à 45 le nombre de morts et autant de blessés dans ces affrontements fratricides qui ont éclaté la semaine dernière. Ce même conseil a instauré vendredi un couvre-feu de 48 heures à Deir ez-Zor. Dans un communiqué officiel, il explique : « En raison de la situation précaire sur le plan de la sécurité dans la campagne orientale de Deir ez-Zor, due aux actions des forces de sécurité du régime et aux tentatives des cellules de l’Etat islamique de semer le chaos, le Conseil civil de Deir ez- Zor, ainsi que les forces de sécurité intérieure ont déclaré un couvrefeu dans la ville (…). Les FDS continueront de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie et les biens des civils contre les mercenaires armés, et elles ne permettront pas aux mercenaires de se cacher parmi la population civile ». Les FDS accusent des groupes armés affiliés aux services de sécurité du pouvoir syrien, ainsi que des cellules du groupe djihadiste Daech de tenter de « provoquer des troubles civils dans la région ».
Tout a commencé après l’arrestation par les Kurdes, la semaine dernière, d’Ahmad Al- Khabil, surnommé Abou-Khawla, chef du « Conseil militaire de Deir ez-Zor ». Les Kurdes, qui dominent les FDS, voient d’un mauvais oeil l’influence grandissante de ce chef de guerre qui a coalisé autour de lui d’importantes tribus arabes de l’est syrien. Le commandement kurde accuse Abou-Khawla d’avoir créé une milice d’un millier d’hommes qui opèrent d’une manière autonome des FDS. Il s’agit donc d’une lutte de pouvoir entre des factions alliées des Américains. Les combats se déroulent dans plusieurs localités sur la rive gauche de l’Euphrate, une région où l’armée américaine dispose d’une importante présence militaire. Parallèlement, le 27 août, les FDS, en coopération avec la coalition internationale, ont lancé une opération intitulée « Renforcement de la sécurité », visant à éradiquer les cellules de Daech dans la région.
Le commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom) a affirmé que « les violences dans le nord-est de la Syrie doivent cesser » et a renouvelé le soutien américain aux FDS. Soutenues par Washington, les FDS ont été le fer de lance de l’offensive qui a défait l’Etat islamique en Syrie en 2019. Elles contrôlent un vaste territoire dans le nord-est de la Syrie, y compris des pans entiers de la province de Deir ez-Zor.
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