« Les Etats-Unis ne demandent ni à l’Arabie saoudite ni à personne de choisir entre eux et la Chine. Nous essayons simplement de démontrer les avantages de notre partenariat », a affirmé le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, à Riyad au terme de sa visite de 3 jours. Le but de cette visite était de régler les nombreuses divergences avec l’Arabie saoudite. La relation entre les deux pays est devenue de plus en plus tendue. Bien que l’Arabie saoudite soit connue souvent comme le partenaire stratégique et important des Etats-Unis, la grande rivale de ces derniers, la Chine, a profité de la situation tendue entre eux pour renforcer ses relations commerciales et diplomatiques non seulement avec le Royaume saoudien, mais aussi avec tous les pays du Moyen-Orient traditionnellement proches de Washington.
Insistant sur la position de son pays, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan, a confirmé que les liens entre son pays et Pékin allaient « probablement grandir » tout en maintenant « un partenariat de sécurité solide avec les Etats-Unis ». A cet égard, Antony Blinken a cherché à adoucir d’autres points de divergence, notamment sur le régime syrien, avec lequel l’Arabie saoudite a récemment normalisé les relations après plus d’une décennie de boycott pendant la guerre civile. Les deux pays se sont mis d’accord que c’est le seul moyen de répondre aux défis humanitaires en Syrie et de lutter contre le terrorisme, surtout contre le groupe de Daech.
Autre point de divergence entre les deux alliés : la normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël. « Les Etats-Unis ont un vrai intérêt de sécurité nationale à promouvoir une normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite », a affirmé le chef de la diplomatie américaine. « Mais ce point demeure une vraie pierre d’achoppement car Riyad exige toujours la reconnaissance de l’Etat de la Palestine avant une normalisation avec Israël », explique Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques, tout en affirmant que Washington ne détient aucune carte de pression pour obliger Riyad à faire des concessions, d’autant plus que Riyad mène depuis quelques années une nouvelle politique étrangère.
Changement de stratégie
En effet, le prince héritier, Mohamad bin Salman, a récemment entamé un changement de la politique étrangère de son pays. Son plan essentiel est la diversification dans tous les domaines, surtout économique et militaire. Une diversification de ses partenariats et une politique de baisse des tensions régionales, avec des pays comme le Qatar, l’Iran et le Yémen. Des buts difficiles à réaliser, mais le plan est bien planifié. « Le prince héritier vise à rendre son pays le plus puissant dans la région d’ici 2030. S’il continue sa politique à ce même rythme, son rêve deviendra réalisé », explique Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Avis partagé par plusieurs analystes. Mona Soliman explique que l’Arabie saoudite est de longue date un partenaire stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient. Les relations entre les deux pays sont denses et se concentrent principalement sur les domaines énergétique et militaire. En dépit d’une relation toujours structurante avec Washington, la non-réaction américaine aux attaques du 14 septembre 2019 contre deux sites pétroliers saoudiens a constitué un tournant pour l’Arabie saoudite, qui a accéléré sa stratégie de diversification des partenariats.
La Chine est l’un des principaux bénéficiaires de cette stratégie. Capitalisant sur son statut de partenaire économique vital, ce pays est devenu le premier client du Royaume et offre une série d’avantages complémentaires aux garanties sécuritaires américaines (transferts de technologies, absence de conditionnalités, poids croissant en Afrique). Le triple sommet Chine-Arabie saoudite-CCG-pays arabes, en décembre 2022 à Riyad, a été la vitrine d’un partenariat sino-saoudien en plein essor. En plus, l’Arabie saoudite continue d’entretenir de bonnes relations avec la Russie dont elle est un partenaire au sein de l’Opep.
Poussés par la Chine, l’Iran et l’Arabie saoudite ont signé en mars 2023 un accord de reprise des relations diplomatiques et de réouverture des ambassades. Cet accord vient rétablir des relations qui avaient été rompues en 2016, à la suite de l’exécution du haut dignitaire religieux chiite Baker Al Nimr par l’Arabie saoudite. Les relations entre les deux puissances régionales s’étaient ensuite aggravées sous l’effet des conflits au Yémen, en Iraq et au Liban. Dans la même veine, l’Arabie saoudite a également repris en janvier 2021 ses rapports diplomatiques avec le Qatar. Le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte avaient rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l’accusant de soutenir le terrorisme. Mais un terme a été mis à la crise à l’initiative de l’Arabie saoudite, à l’occasion du sommet du CCG d’Al-Ula. Plusieurs visites de haut niveau ont été effectuées entre les deux pays, dont une de Mohamad bin Salman à Doha en décembre 2021.
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