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Iraq : L’impasse

Ines Eissa , (avec Agences) , Mercredi, 05 octobre 2022

Trois ans après le soulèvement populaire en Iraq, le pays reste déchiré par des clivages politiques et surtout des rivalités inter-chiites.

Iraq : L’impasse

Les années se sont écoulées et rien n’a vraiment changé. Dans un Iraq en pleine impasse politique, des milliers de manifestants se sont rassemblés, samedi 1er octobre, à Bagdad pour marquer le troisième anniversaire d’un soulèvement contre le pouvoir, lancé contre la corruption des élites et la gabegie des services publics. La contestation inédite, déclenchée en octobre 2019, s’était propagée jusqu’au sud pauvre, majoritairement chiite. Dans cet Iraq riche en pétrole, des mois durant, des centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans la rue, dénonçant chômage des jeunes, infrastructures en déliquescence et absence de démocratie.

Les commémorations interviennent dans un contexte tendu, les deux grands pôles du chiisme politique s’affrontant sur la nomination d’un premier ministre et des législatives anticipées. L’influent chef chiite Moqtada Al-Sadr réclame la dissolution immédiate du parlement. En face, le Cadre de coordination, alliance regroupant des factions chiites pro-iraniennes, veut la mise en place d’un gouvernement avant tout scrutin. Mercredi dernier, des tirs de roquette ont visé la Zone verte. Sept soldats iraqiens ont été blessés mercredi, trois obus ont touché cette zone fortifiée dans le centre de Bagdad, dont l’un a atterri devant le parlement peu après sa première session en deux mois en raison de la crise politique dans le pays. Après le retrait des manifestants, le corps législatif n’a pas été reconvoqué, dans un contexte de grave crise due à la paralysie politique, qui empêche la nomination d’un nouveau président et d’un nouveau chef de gouvernement depuis les élections d’octobre dernier.

L’impasse reste donc entière. Les barons de la politique s’affrontent depuis les législatives d’octobre 2021 sur le nom du prochain premier ministre et son mode de désignation. La dernière séance de l’Assemblée nationale remonte au 23 juillet. Quelques jours plus tard, des partisans de l’influent religieux chiite Moqtada Al-Sadr investissaient le parlement, avant d’installer dans ses jardins un sit-in qui a duré un mois. Deux camps s’affrontent: d’un côté, Moqtada Al-Sadr réclame une dissolution immédiate du parlement et des législatives anticipées, après avoir fait démissionner ses 73 députés en juin. De l’autre, le Cadre de coordination, alliance regroupant des factions chiites pro-iraniennes, veut la mise en place d’un gouvernement avant tout scrutin.

Mais une dissolution du parlement serait-elle la solution ? Pas si sûr, répondent les analystes. « La dissolution du parlement et la tenue d’élections anticipées ne seraient pas nécessairement la garantie du dénouement de la crise politique en Iraq. Les rapports de force entre les rivaux politiques aboutiraient vraisemblablement aux mêmes résultats », explique Dr Mona Soliman, chercheuse.

Ingérences régionales aggravantes

Distraits par les rivalités inter-chiites, les politiciens se montrent impuissants face aux crises multiples qui font vaciller l’Iraq. Parmi elles, les tensions géopolitiques: l’Iran ou la Turquie, deux grands voisins, bombardent épisodiquement le Kurdistan d’Iraq pour y affaiblir des mouvements d’opposition kurdes armés— iraniens ou turcs. Mercredi dernier, des frappes revendiquées par Téhéran ont ainsi fait 14 morts et 58 blessés.

Après des décennies de conflits, en l’absence de réformes économiques et de grands projets d’infrastructures dans ce pays frappé par une corruption endémique, le chômage touche par ailleurs 4 jeunes sur 10. Et la vie des 42 millions d’Iraqiens est impactée par les conséquences du changement climatique, sécheresses et pénuries d’eau ne faisant qu’empirer.

« Les manifestations populaires en Iraq semblent tout de même insuffisantes pour faire bouger les choses », précise Dr Mona Soliman. Et de conclure que « la solution la plus réaliste à cette phase serait de prolonger le mandat du premier ministre actuel Moustafa Al-Kazimi à la tête d’un gouvernement qui bénéficierait d’un consensus entre les rivaux politiques ».

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