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En Libye, retour à la case départ

Maha Salem avec agences, Mardi, 15 février 2022

La Libye se retrouve à nouveau avec deux premiers ministres après la désignation, par le parlement, de Fathi Bachagha à la tête de l’exécutif pour remplacer Abdelhamid Dbeibah, qui, lui, s’accroche au pouvoir.

En Libye,

L’année 2021 commençait avec une note d’espoir en Libye, un calendrier électoral qui laissait présager un début de sortie de crise. Après ce rendez-vous électoral manqué— les élections devaient avoir lieu en décembre— 2022 démarre mal, avec un grand retour en arrière. Jeudi 10 février, retour à la case départ: après des années de tensions accompagnées de tentatives de règlement, la Libye se trouve à nouveau divisée. Le pays a désormais deux premiers ministres après que le parlement de l’est avait désigné un nouveau premier ministre, en plein chaos constitutionnel et alors que le premier est toujours là. Un vote susceptible d’exacerber les luttes de pouvoir dans ce pays. L’ancien, c’est Abdelhamid Dbeibah, il avait obtenu la confiance du parlement en mars dernier. Le nouveau, c’est Fathi Bachagha, ancien ministre de l’Intérieur.

Cette situation n’est pas nouvelle, puisque le pays avait déjà été dirigé entre 2014 et 2016 par deux premiers ministres rivaux basés dans l’est et l’ouest. Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’un conflit est-ouest, mais d’un arrangement entre acteurs-clés des deux régions. Bachagha n’est pas originaire de l’est, mais de Misrata dans l’ouest, tout comme Dbeibah. Les deux hommes politiques, qui entretiennent une âpre rivalité, étaient aussi candidats à l’élection présidentielle qui était prévue en décembre avant d’être reportée sine die.

Pour défendre cette décision, le président du Haut Conseil d’Etat (HCE), chambre haute libyenne basée à Tripoli (ouest), a justifié que la désignation par le parlement siégeant dans l’est d’un nouveau premier ministre est faite selon les accords qui dirigent le pays dans cette période. Selon ces accords, Abdelhamid Dbeibah avait été désigné à la tête d’un gouvernement intérimaire, sous l’égide de l’Onu, pour conduire le pays à une élection présidentielle censée achever la transition amorcée après la mort du dictateur Muammar Kadhafi en 2011. Or, le scrutin, censé être l’aboutissement de l’interminable transition post-Kadhafi, a été reporté sine die, en raison de la persistance des divergences, notamment sur sa base juridique, sur fond de désaccords entre un pouvoir à l’est incarné par le parlement et le maréchal Khalifa Haftar, et un autre à l’ouest autour du gouvernement Dbeibah et du HCE, instance faisant office de Sénat.

Le parlement estime donc que le mandat de l’exécutif a expiré avec ce report, alors que Dbeibah assure qu’il ne cédera le pouvoir qu’à un gouvernement élu. « Le texte accompagnant le vote de confiance, accordé en mars dernier au gouvernement de Abdelhamid Dbeibah, stipulait que son mandat prendrait fin au plus tard le 24 décembre 2021 », a d’abord rappelé Khaled Al-Mechri, président du HCE, tout en ajoutant que la désignation de Bachagha pour remplacer Dbeibah « découle de ce même texte, après un rare consensus entre le parlement et le HCE », a affirmé Mechri. Mais Dbeibah, qui a indiqué que son gouvernement resterait en place jusqu’à la tenue d’élections et qu’il ne céderait le pouvoir qu’à un gouvernement élu, a accusé la Chambre des représentants d’émettre de fausses résolutions et d’être « responsable du conflit et de l’effusion de sang ». Samedi 12 février, des groupes armés ont convergé vers Tripoli, en provenance de Misrata, pour apporter leur soutien à Abdelhamid Dbeibah, faisant craindre la résurgence d’un conflit armé.

Plusieurs scénarios

Mais il semble que la balance va pencher du côté de Bachagha, estiment les observateurs. Tout d’abord, il a été choisi par le parlement qui regroupe un bon nombre de représentants des tribus, des factions et des différentes régions libyennes. En plus, bien que, il y a deux ans, Bachagha, alors ministre de l’Intérieur, ait été en première ligne pour repousser l’offensive militaire de Haftar, ce dernier a salué la désignation de son ancien ennemi. Ce soutien est-il pour autant suffisant? Pas si sûr, car la situation reste ouverte à plusieurs scénarios, estime Dr Sameh Rached, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Le premier scénario est le retour au conflit armé. C’est tout à fait possible, car chaque camp est soutenu par des groupes armés et possède des alliés nationaux et régionaux », explique-t-il. Le deuxième, ajoute l’analyste, est que Dbeibah soit contraint de céder « avec une certaine contrepartie ». « Le troisième scénario est que la communauté internationale exerce de fortes pressions sur les deux camps et les oblige de tenir les élections présidentielle et législatives, ces élections étant le seul moyen de sortir de la crise », ajoute Rached.

Or, actuellement, la crise ukrainienne occupe l’intérêt de l’Occident. Et en même temps, la communauté internationale ne semble pas savoir comment gérer la crise : alors que dans un premier temps, l’Onu a annoncé continuer de soutenir Abdelhamid Dbeibah comme premier ministre intérimaire en Libye, elle a ensuite affirmé qu’elle soutiendrait le choix des Libyens l

 

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