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Dr Mona Soliman : La guerre antiterroriste n’est pas finie

Propos recueillis par Maha Salem, Mardi, 08 février 2022

Après la mort du chef de Daech, Washington promet de continuer la traque des djihadistes. Où en est la lutte antiterroriste dans la région? Eléments de réponse avec Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire.

Dr Mona Soliman

Al-Ahram Hebdo : Après la mort du chef de Daech, le président américain, Joe Biden, a assuré que les Etats-Unis continueraient à traquer les djihadistes dans le monde. Est-ce que c’est un retour du rôle américain au Moyen-Orient ?

Dr Mona Soliman: Avant le Printemps arabe, aucun pays n’avait de rôle effectif dans la région, à part les Etats-Unis. Mais cette dernière décennie, plusieurs pays ont eu un rôle influent, comme la Turquie, la Russie et la Chine. Et pendant ce temps, la position de Washington a vacillé, tantôt en n’intervenant pas, tantôt en tenant des opérations militaires pour tuer des chefs des groupes terroristes comme Abou-Bakr Al-Baghdadi et Abou-Ibrahim Al-Hachimi Al-Qorachi— qui s’est fait exploser avec sa famille, jeudi 3 février, lors d’un raid des forces spéciales américaines en Syrie sur la maison — , ou des chefs militaires influents comme le général iranien Qassem Soleimani. L’objectif est de montrer que les Etats-Unis dominent toujours la région et que leurs renseignements américains sont effectifs. Autre raison, n’importe quel président américain essaie d’augmenter sa popularité, surtout s’il souffre d’un recul de sa popularité, et c’est le cas de Joe Biden.

— Mais parallèlement, Washington retire ses troupes de la région …

— Les Américains ne pourront jamais se retirer complètement de la région car ils y possèdent des bases militaires dans la plupart des pays. Ces bases ont besoin d’une haute surveillance et une bonne gestion pour protéger les intérêts américains dans la région. Et bien sûr, ces bases sont les vrais bénéfices réalisés par les Etats-Unis, et ils ne comptent pas les perdre. Il n’y aura jamais de retrait total des Américains de la région, surtout au niveau militaire. Quant au niveau politique, Washington intervient quand cela lui sera bénéfique.

— Pourquoi Washington a-t-il choisi ce timing pour cette opération ?

— Le président américain a promis que les Etats-Unis, malgré le retrait d’Afghanistan en août dernier, resteraient engagés dans la lutte internationale contre le terrorisme, tout en expliquant que cette opération est la preuve que l’Amérique a la capacité d’éliminer des terroristes où qu’ils soient. Cette opération a eu lieu dans la ville kurde de Kobani (les Kurdes sont un allié important des Américains), dans le nord-ouest de la Syrie. Donc, elle a été organisée en coopération avec les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), dominées par les Kurdes. La place du terroriste a été identifiée après la récente attaque contre la prison syrienne de Hassaké. C’était la plus importante offensive du groupe djihadiste depuis sa défaite territoriale en Syrie en 2019. Il fallait donc riposter.

— Concrètement parlant, Daech représente-t-il toujours un danger ?

— Malgré la perte de ses fiefs en Syrie et en Iraq, le groupe terroriste continue de mener des attaques à travers des cellules dormantes. Daech ne va jamais se retrouver avec la force qu’il avait, mais il va commettre des attaques individuelles. De même, on s’attend à voir l’apparition de groupes terroristes semblables. L’idéologie de ces groupes n’a pas disparu, ce qui explique l’émergence de nouveau-nés. Pour autant, la formation d’un groupe terroriste n’est pas une mince affaire. Donc, la guerre antiterroriste n’est pas finie. On a besoin de lutter contre l’idéologie et les principes mêmes de ces groupes pour éviter l’émergence de nouvelles cellules. On a besoin d’une coalition pour savoir et étudier les vraies raisons qui conduisent à la formation de ces groupes pour pouvoir trouver des issues, et non pas attendre la formation des groupes terroristes puis les combattre militairement. Autrement dit, il faut lutter contre leur création .

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