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En Libye, un rendez-vous manqué

Maha Salem avec agences, Lundi, 20 décembre 2021

Le report, toujours pas annoncé, des élections libyennes prévues ce 24 décembre semble inéluctable. A l’origine, des retards dans les détails techniques et des désaccords persistants.

Les élections sont censées être l’aboutissement d’un processus politique parrainé par l’Onu pour met
Les élections sont censées être l’aboutissement d’un processus politique parrainé par l’Onu pour mettre fin à une décennie de chaos. (Photo : AFP)

Il ne reste que deux jours avant la date prévue des élections libyennes, le 24 décembre. Et pourtant, le doute persiste encore. Le report semble inéluctable. Mais il n’a pas encore été annoncé (ndlr: jusqu’à l’impression du journal). La question maintenant concerne l’annonce de ce report. Une dispute verbale a eu lieu entre le parlement et la Haute commission nationale électorale (HNEC), ces deux institutions se rejettent la balle et les deux camps refusent de prendre la responsabilité de cette annonce.

Cela fait des semaines que le scénario d’un report se dessine, les ingrédients susceptibles de transformer l’échéance historique en fiasco se multipliant: une loi électorale contestée, un calendrier modifié pour repousser les législatives et des figures controversées se déclarant candidats. En outre, la campagne électorale n’a pas débuté, la liste définitive des candidats n’a pas été annoncée, la liste définitive des électeurs n’a pas été publiée et les électeurs ne savent pas encore la procédure qu’ils doivent suivre pour voter, si vote il y a.

Pourtant, selon la loi électorale, la campagne électorale doit commencer au moins 15 jours avant le scrutin, la liste des candidats doit être annoncée un mois avant le scrutin. Malgré ces doutes, le gouvernement s’est dit prêt à la tenue des élections le 24 décembre et a présenté des mesures pour garantir le « bon déroulement » de ce scrutin. « Le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens et les efforts pour soutenir la HNEC. Nous avons l’opportunité de faire du 24 décembre un jour historique », a affirmé Ramadan Abou Jnah, qui assure l’intérim à la tête du gouvernement depuis que le premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, s’est porté candidat à la présidentielle.

La communauté internationale, elle, semble se rendre à l’évidence : Jamal Benomar, ancien sous-secrétaire général de l’Onu et président du Centre international pour les initiatives de dialogue, explique que « le scrutin soit reporté ou pas, les conditions pour des élections libres et équitables ne sont pas réunies, les Libyens étant trop divisés pour accepter ou s’entendre sur les résultats. Les institutions fragmentées, l’absence de l’Etat et de forces de sécurité et armées unifiées ou légitimes sont autant d’éléments qui conduisent à l’instabilité, et ces questions fondamentales sont sans réponse depuis 2012 ».

Des conditions non réunies

Selon Dr Mohamad Aboul-Makarem, analyste au Centre des études arabes et africaines au Caire, « le seuil minimum d’infrastructures et les exigences de sécurité pour une élection libre et équitable ne sont pas réunis. Par ailleurs, la loi électorale a été critiquée à plusieurs reprises par la classe politique libyenne. Même si elles ont lieu, les élections vont être inutiles à cause des profondes divisions politiques et sociales. Chaque partie a conditionné sa participation à l’élection à certaines exigences, comme le désarmement des milices, le départ des mercenaires, l’unification des institutions et le contrôle de la zone du croissant pétrolier. Rien de cela n’a été réalisé ». Il ajoute : « Avec l’absence des conditions pour la tenue d’un scrutin libre, les résultats seront refusés ». Mais pourquoi donc le gouvernement insiste-t-il à se dire prêt à organiser les élections? Pour ne pas être responsable de l’annulation, répond Aboul-Makarem.

Pourtant, les Libyens portaient beaucoup d’espoir sur ce scrutin censé être l’aboutissement d’un interminable processus politique parrainé par l’Onu, après la décennie de chaos qui avait suivi la chute du régime du colonel Kadhafi en 2011, et de luttes fratricides entre deux camps rivaux, l’un dans l’Ouest et l’autre dans l’Est.

Or, les luttes ne sont pas près d’être terminées. Pour preuve, la loi électorale a donné lieu à de profonds différends, le texte qui n’a pas été voté par le parlement, mais directement ratifié par son chef, Aguila Saleh, un allié de l’un des principaux candidats, le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle de facto l’est et une partie du sud de la Libye. La loi électorale a été rejetée par plusieurs forces politiques qui l’accusent d’être taillée sur mesure pour le maréchal, car elle lui permet d’être candidat à la présidentielle, mais aussi de pouvoir retrouver son poste de militaire s’il n’était pas élu. L’ensemble de ces facteurs entretiennent la confusion dans le pays, alors qu’« aucun camp n’est prêt à reconnaître les résultats du scrutin. La tenue des élections pourrait plonger la Libye dans plus de violence », conclut Dr Aboul-Makarem.

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