La crise politique tunisienne ne semble pas prête à prendre fin. L’opposition a claqué la porte aux négociations et ne veut plus que d’une seule issue : la démission du gouvernement. Depuis samedi dernier, l’opposition tunisienne a mobilisé des milliers de ses partisans pour manifester et a lancé une série d’actions appelée « semaine du départ ». Ces démarches doivent, selon l’opposition, forcer le gouvernement dirigé par le parti islamiste d’Ennahda au pouvoir, à démissionner. « Il faut faire chuter ce gouvernement de la honte », a déclaré devant la foule le député Mongi Rahoui, du Front du Salut National (FSN), qui a dénoncé « les assassinats politiques, le terrorisme, le harcèlement des militants politiques et l’appauvrissement du peuple ». Le FSN, coalition hétéroclite allant de l’extrême gauche au centre-droit, a prévu de multiplier les actions pacifiques à travers le pays tout au long de la semaine jusqu’à la démission du gouvernement dominé par le parti islamiste.
Cette nouvelle démarche est intervenue au lendemain de l’échec des pourparlers entre l’opposition et le gouvernement, qui, une fois de plus, n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un scénario de sortie de crise. Le parti islamiste d’Ennahda avait annoncé une concession en admettant la possibilité d’une démission du gouvernement à l’issue de négociations directes, mais l’opposition a rejeté cette ouverture et maintenu son appel à une mobilisation samedi. « Toute négociation sans dissolution (immédiate) du gouvernement serait une perte de temps », a jugé Taïeb Baccouche, un représentant de l’opposition, après avoir reçu du syndicat UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisiens), médiateur dans la crise politique née de l’assassinat il y a près d’un mois d’un opposant, le détail des concessions d’Ennahda. Jilani Hammami, un autre représentant du FSN, a qualifié de « double langage » la proposition des islamistes, dont les détails n’ont pas été publiés.
En fait, c’est la première fois qu’Ennahda a concédé la possibilité d’une démission du gouvernement d’Ali Larayedh à l’issue d’un « dialogue national » dégageant une solution consensuelle à la crise politique. Mais le manque de confiance a poussé l’opposition à rejeter cette proposition. Le parti au pouvoir a cependant souligné que le cabinet resterait en place dans l’intervalle.
En fait, la crise politique en Tunisie a été déclenchée le 25 juillet par l’assassinat du député Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance djihadiste, ce qui a poussé l’assemblée chargée d’élaborer la nouvelle Constitution à suspendre ses travaux. Le président d’Ennahda, Rached Ghannouchi, a engagé des consultations avec la grande centrale syndicale, l’UGTT, pour négocier avec l’opposition laïque afin de trouver une sortie de crise. Les partis d’opposition ont rejeté la mise en place d’un gouvernement de transition — dont le président d’Ennahda exige qu’il soit dirigé par un membre de son parti — chargé de conduire le pays à de nouvelles élections. Ils estiment que le régime a échoué sur le plan sécuritaire face à l’essor de la mouvance djihadiste, mais aussi dans le domaine économique, alors que les revendications sociales étaient au coeur de la révolution de janvier 2011. Même si la Constituante n’est toujours pas parvenue, après vingt-deux mois de travail et deux ans et demi après la révolution de 2011, à rédiger une loi fondamentale consensuelle, les islamistes considèrent avoir la légitimité pour diriger le pays depuis l’élection de cette assemblée. Le précédent gouvernement dirigé par Ennahda était tombé après le meurtre de l’opposant Chokri Belaïd en février dernier. En outre, plusieurs dirigeants d’Ennahda ont même avancé que les revendications de l’opposition s’apparentaient à une tentative « de coup d’Etat » modelée sur le renversement par l’armée égyptienne du président islamiste Mohamad Morsi. « Le coup d’Etat égyptien ne se reproduira pas en Tunisie », a estimé Ghannouchi. Selon des observateurs, l’arrogance et l’obstination des deux camps qui campent sur leur position et ne laissent entrevoir aucune issue immédiate sont susceptibles d’aboutir à une grande crise politique.
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