L’influence acquise par le Hezbollah et son parrain iranien continue de poser problème au Liban. (Photo : AFP)
Le Liban n’avait vraiment pas besoin d’un tel épisode. Alors que le gouvernement entame à peine ses travaux avec l’espoir, timide, d’une lueur au bout du tunnel, le pays s’est trouvé dans une crise ouverte avec quatre pays du Golfe. Ces quatre pays, l’Arabie saoudite, les Emirats, le Koweït et Bahreïn ont ordonné l’expulsion des ambassadeurs libanais et rappelé les leurs, en plus d’autres mesures de rétorsion. A l’origine de cette crise, les propos tenus contre la guerre au Yémen par le ministre libanais de l’Information, Georges Kordahi, du temps où il n’occupait pas de position officielle. Dans un entretien télévisé, enregistré en août dernier pour une émission de la chaîne qatari Al-Jazeera et diffusé lundi 25 octobre, Kordahi a qualifié les bombardements saoudiens au Yémen d’« agression », a dénoncé un « conflit absurde » et a même pris la défense des rebelles houthis soutenus par l’Iran.
Essayant de contenir la crise et de défendre son équipe, le premier ministre libanais, Najib Mikati, s’est démarqué des propos du ministre de l’Information, nommé au gouvernement le 10 septembre par un parti chrétien allié au mouvement pro-iranien Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, et l’a appelé implicitement à démissionner tout en regrettant la décision de Riyad, affirmant que les propos de Kordahi ne reflétaient en aucun cas la position du gouvernement. Après le tollé, Kordahi a souligné que ses propos reflétaient son opinion personnelle avant sa nomination ministre de l’Information. Mais il a exclu toute démission. Pour sa part, le président libanais Michel Aoun, un allié du Hezbollah, s’est dit « soucieux d’avoir les meilleures relations avec l’Arabie saoudite soeur », critiquant ceux « qui provoquent des crises entre les deux pays ».
Ces tensions interviennent alors que le gouvernement libanais misait sur une potentielle aide financière des riches monarchies du Golfe pour relancer l’économie du pays en plein effondrement.
« Pas de crise avec le Liban, mais une crise au Liban »
Si les propos de Kordahi ne pouvaient que susciter la colère de Riyad, ils apparaissent surtout comme un prétexte. Car le vrai problème, c’est le Hezbollah. La domination de la vie politique par le parti chiite soutenu par l’Iran passe mal. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal Bin Farhan, s’est d’ailleurs montré explicite : les commentaires de Georges Kordahi sont, selon lui, « le symptôme d’une réalité », et les relations avec le Liban sont « infructueuses (…) en raison de l’hégémonie du Hezbollah sur la scène politique locale ». « Il n’y a pas de crise avec le Liban, mais une crise au Liban en raison de l’hégémonie iranienne. La dominance du Hezbollah sur le système politique au Liban nous inquiète », a-t-il ajouté.
Pourtant, l’influence acquise par le Hezbollah et son parrain iranien au Liban ne constitue pas une nouveauté. Tout comme la lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite, dont le Liban paie le lourd tribut depuis longtemps. Les deux poids lourds de la région soutiennent depuis des décennies des forces politiques rivales dans le pays, mais l’Arabie saoudite s’est progressivement désengagée ces dernières années du Liban, estimant qu’il est passé sous la coupe du Hezbollah pro-iranien.
« Cette escalade intervient alors que l’Iran et l’Arabie saoudite ont entamé depuis des mois des négociations à huit clos visant à normaliser leurs relations rompues depuis 5 ans et faire ainsi baisser la tension au Proche-Orient. Mais de temps en temps, de tels incidents éclatent, et cela signifie que les négociations sont tendues, que chaque camp essaye de faire plus de pression sur son rival pour en tirer le maximum », estime Dr Mohamad Aboul-Makarem, analyste au Centre des études arabes et africaines au Caire. Selon l’analyste, les monarchies du Golfe « tirent les oreilles des Libanais, et ces mesures vont sans doute être annulées prochainement ».
En effet, les Libanais vont tout faire pour désamorcer la crise, car ils ont besoin des fonds des pays du Golfe pour redresser leur économie. D’où la cellule de crise formée par Mikati, qui s’est réunie samedi 30 octobre à Beyrouth en présence du numéro deux de l’ambassade américaine, Richard Michaels. A l’issue de la réunion, le ministre de l’Education, Abbas Halabi, a déclaré avoir « bon espoir » de régler la crise et « d’ouvrir une nouvelle page » dans les relations avec les pays du Golfe.
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