Les manifestations se poursuivent à Khartoum après les décisions d’Al-Burhan. (Photo : AFP)
Branle-bas au Soudan. La transition amorcée en 2019 après la chute du régime de Omar Al-Béchir traverse une zone de turbulence. Lundi 25 octobre, le général Abdel-Fattah Al-Burhan s’est exprimé à la télévision d’Etat pour annoncer la dissolution des autorités de transition.
Jusque-là lui-même à la tête du Conseil de souveraineté, la plus haute autorité de la transition composée de civils et de militaires, Abdel Fattah Al-Burhan a annoncé la dissolution du gouvernement et du Conseil de souveraineté, ainsi que le limogeage de préfets et ministres et a déclaré l’état d’urgence dans tout le pays. Voulant donner des gages à une communauté internationale inquiète, Al-Burhan a répété qu’il souhaitait néanmoins toujours « une transition vers un Etat civil et des élections libres en 2023 ». Al-Burhan, qui a annoncé la formation d’un « gouvernement de personnes compétentes », a également affirmé qu’il restait lié par les accords internationaux signés par son pays.
Pour lui, ces décisions visent à remettre la période de transition au Soudan sur les rails, vu que, selon ses déclarations, « les profondes divisions au sein du conseil, ainsi que les récentes protestations et sit-in des civils créaient un état de chaos dans le pays ». « La plupart des ministres et les membres civils du Conseil de souveraineté ont été arrêtés (…) par des forces militaires » avant l’aube, avait auparavant affirmé le ministère soudanais de l’Information.
Des tensions qui risquent de perdurer
Ce coup de force intervient dans un contexte de tensions exacerbées entre civils et militaires, censés mener ensemble le pays vers des élections en 2023. Le pouvoir au Soudan est partagé depuis 2019 entre un gouvernement civil dirigé par Abdallah Hamdok et le Conseil de souveraineté chargé de mener la transition post-Béchir. Mais l’alliance entre civils et militaires n’a pas duré. Précaire, la transition ne manquait pas de divisions politiques. Tandis que certains manifestants campent depuis le 16 octobre devant le palais présidentiel à Khartoum pour exiger un transfert du pouvoir aux militaires, d’autres sont descendus dans les rues de la capitale, jeudi 21 octobre, pour afficher leur soutien aux dirigeants civils.
Les décisions d’Al-Burhan vont-elles mettre fin à la tension et à la division ? Pas forcément. Aussitôt après ses annonces, les différents syndicats, groupes militants de la révolte de 2019 et autres mouvements annonçaient un à un rejoindre la « désobéissance civile » et la « grève générale », faisant écho à l’appel du bureau du premier ministre déchu, Abdallah Hamdok, à « protester par tous les moyens pacifiques possibles » contre le « coup d’Etat ». Ses partisans n’ont pas attendu cet appel de leur dirigeant pour descendre dans les rues de Khartoum. Les journées du lundi 25 et du mardi 26 ont été entachées de violences : 7 personnes sont mortes et 140 ont été blessées dans des manifestations rejetant le coup de force de l’armée. Et la tension risque de perdurer encore dans les jours à venir .
Les réactions régionales
Le Caire appelle à la « retenue »
Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a appelé toutes les parties à la retenue et à faire prévaloir les intérêts suprêmes de l’Etat. L’Egypte considère que la paix et la sécurité du Soudan sont une partie intégrante de celles de l’Egypte et de la région et insiste sur l’importance d’instaurer la stabilité.
La Ligue arabe « préoccupée »
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit, a fait part dans un communiqué de sa « profonde préoccupation face aux développements » au Soudan et appelé « toutes les parties à respecter » l’accord de partage du pouvoir de transition établi en 2019 après le renversement de Omar Al-Béchir.
L’Union africaine appelle à une « reprise immédiate » du dialogue
L’Union africaine a appelé à une « reprise immédiate » du dialogue entre civils et militaires. « Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, a appris avec une profonde consternation la grave évolution de la situation au Soudan », affirme un communiqué de l’organisation panafricaine, en appelant à « la reprise immédiate des consultations entre civils et militaires » qui se partagent le pouvoir depuis 2019.
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