Quelque 5 000 Tunisiens ont manifesté, dimanche 3 octobre, en soutien au président Kais Saïed. (Photo : AP)
Dimanche 3 octobre. Dès les premières heures du matin, des Tunisiens sont descendus par milliers dans les principales villes du pays, notamment à la capitale Tunis, où ils étaient quelque 3 000, pour apporter leur soutien à leur président, Kais Saïed, et les mesures exceptionnelles qu’il a prises le 25 juillet dernier, puis celles de la semaine dernière. Une réponse à la manifestation de la semaine précédente des opposants au président tunisien. Sur les pancartes, des slogans tels « Nous sommes tous Kais Saïed, nous sommes tous la Tunisie », « Saïed, porte-parole officiel du peuple » ou encore « Le peuple veut une révision de la Constitution », « Le peuple veut la dissolution du parlement », « Ghannouchi assassin » et « Ghannouchi, tu es fini ! ».
Vendredi 1er octobre, ce même Ghannouchi tant décrié, le président du parlement, suspendu depuis le 25 juillet dernier, et chef du parti islamiste Ennahdha, déclarait : « Ce vendredi coïncide avec le démarrage de la troisième session du mandat parlementaire 2019-2024 (...) le bureau de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP, parlement) restera en session permanente ». Aussitôt après, les autorités ont renforcé le dispositif sécuritaire autour du parlement à Tunis, face à une tentative de députés d’y accéder pour reprendre les activités suspendues de la chambre. Car parallèlement à l’appel de Ghannouchi, plus de 80 députés, principalement d’Ennahdha et de son allié Qalb Tounes, avaient appelé les autres élus — sur une assemblée qui en compte 217 — à se rassembler devant le parlement et à exiger la reprise de leurs travaux. Mais le dispositif sécuritaire n’a pas eu à faire de démonstration de force : les deux appels ont été peu suivis et un seul député s’est présenté devant le parlement dans le quartier du Bardo.
Le gouvernement formé prochainement
Cela dit, la situation politique en Tunisie est loin d’être apaisée. Ghannouchi, dont le parti Ennahdha est majoritaire à l’ARP, a une fois de plus exprimé, au nom du parlement, son rejet catégorique des décisions présidentielles. Pour Kais Saïed et ses défenseurs, il s’agit de « mesures exceptionnelles » temporaires, prises le temps de mener une série de « réformes politiques », dont des amendements à la Constitution de 2014. Car cette Constitution a instauré un régime hybride, un peu trop déséquilibré et en faveur du parlement. Or, au parlement, le parti majoritaire est Ennahdha, bête noire du président Kais Saïed et d’une partie des Tunisiens. Sa domination de la vie politique, depuis la chute du régime de Zine El Abidine Bin Ali en 2011, est jugée responsable des blocages politiques et de la crise économique. D’où le coup de force décidé par le président tunisien.
Désormais, l’heure est à l’attente. Quelles seront les prochaines décisions ? Quelles réformes ? Comment sortir de la crise ? Après deux mois sans premier ministre, Kais Saïed a nommé, le 29 septembre, une femme, Najla Bouden Romdhane, à la tête du gouvernement. Une première. La principale mission du futur gouvernement sera de mettre fin à la corruption et au chaos qui s’est répandu dans de nombreuses institutions de l’Etat, a dit le président tunisien, promettant qu’un gouvernement sera nommé dans les plus brefs délais et qu’un « dialogue national sera lancé, associant les différentes composantes de la population tunisienne. Et ce, sur les réformes institutionnelles envisagées ».
Aujourd’hui, la formation du gouvernement et le lancement des réformes sont plus qu’urgents. Saïed fait face à un certain nombre de critiques tant à l’intérieur qu’à l’étranger. Mais Tunis se défend : les récentes mesures d’exception renforçant les pouvoirs du président visent à « mettre de nouveau le pays sur la bonne voie pour respecter les principes de la démocratie », a réaffirmé le chef de la diplomatie tunisienne, Othman Jerandi, le 27 septembre dernier, à la tribune de l’Assemblée générale de l’Onu.
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