Le juge Tareq Bitar, chargé de l’enquête sur l’explosion gigantesque au port de Beyrouth, a dû suspendre ses investigations lundi 27 septembre après une plainte d’un ex-ministre, des ONG et des proches des victimes déplorant une nouvelle preuve d’obstruction politique. M. Bitar a été notifié d’une plainte déposée contre lui par l’exministre de l’Intérieur Nohad Al-Machnouk, soupçonné de « négligence et manquements » dans l’enquête sur l’explosion. M. Machnouk réclame le dessaisissement du juge en évoquant un vice de forme sur la base d’un article constitutionnel stipulant la poursuite des ministres et responsables par la seule Haute Cour de justice. Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités ont rejeté toute enquête internationale.
De hauts responsables politiques, sécuritaires et judiciaires étaient conscients des dangers de la substance hautement volatile au port, mais n’ont pris aucune mesure préventive. Le prédécesseur du juge Bitar, Fadi Sawan, a été écarté en février après l’inculpation de responsables. Le juge Bitar risque de connaître le même sort. Depuis quelques semaines, il est au coeur d’une campagne de dénigrement et a été menacé par un haut responsable du mouvement armé chiite proiranien Hezbollah, maître du jeu au Liban. Dans une interview à une télévision locale, le premier ministre, Najib Mikati, a dit espérer que la cour rejetterait la suspension, car le Liban « ne peut pas faire face au dessaisissement d’un autre juge ». Mais il a aussi accusé le juge Bitar de « violer la Constitution » dans les poursuites engagées contre certains responsables.
Ces derniers mois, le juge Bitar a convoqué 4 ex-ministres, dont trois députés, y compris M. Machnouk, soupçonnés de « négligence et manquements ». Mais le parlement a refusé de lever leur immunité. Le 26 août, l’enquêteur avait émis un mandat d’amener à l’encontre de l’ex-premier ministre Hassan Diab après son refus de se présenter à un interrogatoire, et le 16 septembre un mandat d’arrêt contre l’ex-ministre du Transport, Youssef Fenianos.
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