Nasrallah a tenu un discours diffusé sur écran, à l'occasion de l'anniversaire de la guerre 2006.
(Photo: AP)
Eté 2006, le Hezbollah a le vent en poupe, fier de sa « victoire » contre l’agression israélienne au sud du Liban. Jamais, en effet, le mouvement chiite libanais n’avait joui d’une aussi bonne réputation, aussi bien au Liban que dans le monde arabe. Eté 2013, la côte du Hezbollah est au plus bas. La cause ? Son rôle dans le conflit syrien aux côtés du président Bachar Al-Assad. Un conflit qui ne cesse de déborder sur le pays du Cèdre.
Dimanche 18 août, 5 roquettes tirées depuis la Syrie se sont abattues sur et autour de la ville libanaise de Hermel, un bastion du mouvement chiite Hezbollah, dans l’est du Liban. L’attaque n’a pas fait de victime, contrairement à l’attentat du 15 août, qui avait frappé la banlieue sud de Beyrouth, également un bastion du Hezbollah, qui a fait 27 morts et plus de 300 blessés, et dévasté le quartier de Roueiss. C’est l’attaque la plus meurtrière au Liban depuis celle qui a coûté la vie à l’ancien premier ministre, Rafiq Hariri, ainsi qu’à 22 autres personnes, en février 2005. Mais c’est aussi et surtout l’attentat le plus meurtrier depuis 30 ans, d’où les tristes souvenirs des années de guerre civile qui ont été ravivés depuis cette explosion. L’attentat a été revendiqué par un groupuscule totalement inconnu portant un nom à connotation sunnite dans une vidéo qui n’a pas pu être authentifiée, et dans laquelle il a expliqué avoir mené l’attaque en réponse à l’engagement du Hezbollah aux côtés des troupes du président Bachar Al-Assad en Syrie.
Ce n’est pas là le premier débordement de la crise syrienne au Liban. Le conflit en Syrie ne cesse d’exacerber les tensions entre les deux principales communautés musulmanes du Liban : les chiites, emmenés par le Hezbollah, et les sunnites, qui soutiennent les rebelles de Syrie. Résultat, sur le plan politique, le pays est paralysé depuis 5 mois, après la démission du gouvernement dominé par le Hezbollah en raison des querelles internes. Et ce, sur le plan sécuritaire, le fief du parti chiite à Beyrouth avait déjà été la cible de tirs de roquettes, le 26 mai, et de l’explosion d’une voiture piégée, le 10 juillet, qui n’avait fait que des blessés. En outre, des bombes avaient explosé au passage de convois du Hezbollah circulant sur la route Beyrouth-Damas, dans la plaine orientale de la Békaa.
Même si le groupuscule ayant revendiqué l’attentat du 15 août est inconnu, la classe politique libanaise a tiré la sonnette d’alarme. Samedi, la Coalition de l’opposition syrienne a mis en garde le Hezbollah contre son soutien au « meurtre des Syriens et la répression de leur révolte », l’accusant d’avoir pris part aux « crimes du régime » et de contribuer à « entraîner la région vers le chaos ». La principale formation de l’opposition syrienne a prévenu que cette situation risquait de « faire entrer le Liban dans un cycle de violence qui servirait les intérêts d’Israël », ennemi numéro un du Hezbollah.
Le Conseil de sécurité a aussi laissé entendre que l’attentat serait lié à la crise syrienne. Condamnant « fermement » l’attentat, le Conseil a appelé les Libanais à « s’abstenir de toutes implications dans la crise syrienne ». « Les membres du Conseil de sécurité appellent tous les Libanais à sauvegarder l’unité nationale face aux tentatives de nuire à la stabilité du pays », ajoute le texte.
Nasrallah prêt à se battre en Syrie
Un appel que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ne semble pas près d’écouter. Au lendemain de l’attentat qu’il a attribué à des « terroristes takfiri (extrémistes sunnites) », Nasrallah a assuré que de tels attentats ne le pousseront pas à cesser son soutien à Bachar Al-Assad, affirmant qu’il était prêt à aller combattre lui-même en Syrie.
Mais le chef du Hezbollah a, dans le même temps, évité de tenir un discours belliqueux à l’égard des sunnites, déclarant que la communauté sunnite n’assumait pas la responsabilité de ces attaques et appelant les chiites à la retenue. «criminels veulent provoquer un conflit interconfessionnel. Ne tombez pas dans le piège », a-t-il dit.
Mais peut-être il est déjà trop tard. Si l’on n’est pas encore au stade du conflit confessionnel, l’instabilité semble s’installer bel et bien au Liban. Samedi dernier, la Sûreté générale a affirmé avoir arrêté 4 personnes soupçonnées d’appartenir à un réseau visant à préparer des voitures piégées au Liban. Et une voiture piégée a été retrouvée à Naameh, dans le Chouf, alors que le ministre sortant de la Défense, Fayez Ghosn, a annoncé que l’armée libanaise a identifié un réseau soupçonné de préparer des voitures piégées pour les faire exploser au fief du Hezbollah, sans préciser si ce groupe était derrière l’attentat du 15 août.
Face à cela, le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, Adnane Mansour, a mis en garde samedi contre les dangers qui guettent le Liban. « Le Liban est menacé en raison de la présence de cellules dormantes sur son territoire qui collaborent avec des pays étrangers afin de semer le chaos dans le pays, profitant des crises qui secouent la région », a-t-il dit. Et de prévenir : « L’attentat de Roueiss ne sera pas le dernier ».
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