Sortir de la crise économique sans s’enfoncer dans la crise politique. Tel est le dilemme actuel au Liban. Car les démarches entreprises pour trouver une solution aux maux socioéconomiques actuels ne sont pas à même de garantir les équilibres politiques. Pour la première fois depuis dix ans, une délégation libanaise était à Damas, l’ancien « protecteur », pour discuter énergie, alors que le Liban traverse l’une des pires crises économiques au monde et connaît de graves pénuries de carburant et des coupures d’électricité. La délégation ministérielle libanaise, composée de la vice-premier ministre du gouvernement intérimaire, Zeina Akar, du ministre des Finances, Ghazi Wazni, et de l’influent directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, a rencontré le chef de la diplomatie syrienne, Fayçal Moqdad, et le ministre du Pétrole, Bassam Tohmé. Il s’agit de la première visite officielle libanaise à un tel niveau en une décennie. Le conflit syrien avait profondément divisé la classe politique libanaise et ouvert un débat sur la nature des relations à entretenir avec Damas. Les deux pays ont maintenu leurs relations diplomatiques, mais les visites officielles sont restées quasi inexistantes.
Mais enfoncés dans la crise, les responsables libanais n’ont trouvé d’autre refuge que chez leur voisin qui, autrefois, gardait une tutelle sur le pays du Cèdre. Et Damas s’est dit prêt à aider son voisin pour ses approvisionnements en énergie, avec l’aval des Etats-Unis, qui passeront outre leurs sanctions contre la Syrie. Damas servira ainsi de transit. Il faut dire que le Liban n’a pas beaucoup de choix : ce petit pays de l’est de la Méditerranée n’a de frontières communes qu’avec la Syrie et Israël.
Or, la visite de la délégation libanaise à Damas s’inscrit aussi sur fond de rivalités géopolitiques entre les Etats-Unis et l’Iran, parrain du mouvement libanais du Hezbollah. Ce même Hezbollah qui organise, avec la République islamique, l’acheminement de carburant via des bateaux iraniens. Agissant comme un « Etat dans l’Etat », le Hezbollah a pris l’initiative, mi-août, en affirmant qu’un tanker iranien rempli de pétrole venant de la République islamique allait arriver au Liban pour remédier à la crise. La cargaison de ce navire doit permettre d’approvisionner « hôpitaux, usines de production de denrées alimentaires et de médicaments, boulangeries et générateurs », avait alors déclaré le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Une opération de communication bien menée. Problème : l’Iran — qui détient les quatrièmes réserves mondiales de pétrole — est actuellement sous sanctions américaines. Elles ont été réimposées en mai 2018 après la sortie de Washington de l’accord sur le nucléaire. En s’approvisionnant en pétrole iranien, le Liban s’expose techniquement à son tour à d’éventuelles mesures punitives. Ce qui confirme que le Hezbollah cherche à contourner les autorités légitimes en important du carburant iranien, d’autant plus que le ministre libanais par intérim de l’Energie, cité par Reuters, a déclaré la semaine dernière que le gouvernement libanais n’a reçu aucune demande d’importation de carburant d’Iran.
Jusqu’à présent, on ne sait pas si cette cargaison est arrivée ou non. On ne sait rien non plus sur les détails de l’acheminement d’énergie via la Syrie. Mais ce qui est clair, c’est qu’un rapprochement avec la Syrie (proche de l’Iran) doublé de l’initiative en solo du Hezbollah (soutenu par l’Iran) ne sont pas à même de faire baisser les tensions politiques. Encore moins de mettre fin aux divisions.
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