Manifestations au centre de Beyrouth en mémoire des 214 morts de la double explosion du port. (Photo : AFP)
Pauvre liban ! Pauvres Libanais ! Un peuple victime des marchandages politiques internes et des conjonctures régionales. A l’impasse politique et à la crise économique s’ajoutent désormais les tensions avec Israël. « La situation au Liban est terrible, nous pouvons encore la rendre pire », a ainsi mis en garde le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, suite aux événements des derniers jours au Sud-Liban : le tir d’une douzaine de roquettes contre le nord d’Israël vendredi 6 août, revendiqué par le Hezbollah en représailles aux bombardements aériens israéliens qui ont eu lieu la semaine dernière. Sur le même ton, le premier ministre israélien, Naftali Bennett, a averti dimanche 8 août que son pays « n’acceptera pas » les tirs de roquettes, affirmant que l’armée et le gouvernement libanais « devraient assumer la responsabilité de tout ce qui se passe chez eux ».
Israël menace, même s’il déclare ne pas souhaiter d’escalade avec le Hezbollah. Et pourtant, d’importants survols de différentes régions libanaises dont le sud du Liban, voire même du Kesrouan, se poursuivent. Du côté du Hezbollah, le ton est tout aussi menaçant. Son chef, Hassan Nasrallah, a promis, samedi 7 août, une réponse « appropriée et proportionnée » à « toute frappe aérienne d’Israël sur le Liban ». « Notre réponse était liée aux frappes israéliennes sur le sud du Liban, une première en quinze ans », a déclaré Hassan Nasrallah lors d’un discours télévisé pour célébrer l’anniversaire de la guerre meurtrière de trente-trois jours qui a opposé le puissant mouvement chiite à Israël en 2006.
Selon lui, les frappes aériennes d’Israël constituent un « développement très dangereux ». « Nous ne voulons pas nous diriger vers une guerre, mais nous sommes préparés pour », a-t-il ajouté. « Il s’agit du premier recours d’Israël à ses forces aériennes pour cibler des villages libanais depuis 2006 », a de son côté déclaré, jeudi 5 août, le président libanais Michel Aoun, dans un communiqué, ce qui « suggère une intention d’intensifier les attaques ».
Ces échanges de tirs à la frontière libano-israélienne coïncident avec une recrudescence des tensions entre l’Etat hébreu et l’Iran, principal allié du Hezbollah, dans la foulée d’une attaque meurtrière contre un pétrolier géré par la société d’un milliardaire israélien en mer d’Oman. Israël, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, a aussitôt accusé l’Iran d’être derrière cette attaque ayant fait deux morts et qui n’a pas été revendiquée.
Le nouveau gouvernement, une chimère
De quoi rappeler que le Liban reste tributaire des tensions régionales. Seule faction libanaise à ne pas avoir rendu les armes au sortir de la guerre civile (1975-1990), le Hezbollah reste un poids lourd de la vie politique libanaise. Sa prédominance est l’une des raisons — mais pas la seule — du blocage politique : un an après la double explosion du port de Beyrouth et la démission du gouvernement de Hassane Diab qui s’ensuivit, les différends politiques empêchent toujours la formation d’un gouvernement. Depuis, Moustapha Adib a été désigné, puis Saad Hariri, et tous deux ont fini par jeter l’éponge, faute de consensus. Le nouveau premier ministre désigné le 26 juillet, Najib Mikati, a promis de former le cabinet dans un délai d’un mois. Mais pour l’heure, rien ne bouge. Les différends entre la présidence et le premier ministre désigné portent désormais sur l’attribution des quatre ministères régaliens, l’Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères et les Finances. Le président libanais, Michel Aoun, aurait ainsi proposé une rotation entre communautés religieuses de ces quatre portefeuilles, notant que les portefeuilles de l’Intérieur et des Finances sont détenus par respectivement les sunnites et les chiites depuis de nombreuses années. Mais Mikati camperait sur ses positions, soutenu par ses prédécesseurs et refusant toute alternance concernant le portefeuille de l’Intérieur. Le chef du parlement, le chiite Nabih Berri, aurait aussi refusé d’abandonner le ministère des Finances. Et, selon le site d’information Libnanews, Najib Mikati aurait dit à Michel Aoun qu’il se retirerait d’ici quelques semaines si les désaccords persistaient. Or, la formation d’un gouvernement qui mène des réformes est une condition préalable à le reprise des négociations ave le Fonds monétaire international pour débloquer les aides financières destinées au Liban.
En attendant, les Libanais — qui ont commémoré la semaine dernière, dans la douleur et la colère, le premier anniversaire de la double explosion du port de Beyrouth, pleurant les 214 morts d’une tragédie dont les coupables n’ont toujours pas été jugés et fustigeant l’impunité des dirigeants — devront se contenter des aides d’urgence promises lors de la conférence de soutien tenue la semaine dernière (voir sous-encadré). Et continuer de panser leurs plaies et de faire face à l’une des pires crises à l’échelle mondiale depuis 1850, selon la Banque mondiale.
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