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Dr Ayman Al-Raqab : Les événements de Jérusalem ont montré la solidarité et l’unité du peuple palestinien

Propos recueillis par Osman Fekri, Mardi, 18 mai 2021

Dr Ayman Al-Raqab, dirigeant du mouvement Fatah et professeur à l’Université de Jérusalem, revient sur les évolutions dans les territoires palestiniens et les différents scénarios de la crise.

Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous les événements dans les territoires palestiniens ?

Dr Ayman Al-Raqab: Les Israéliens et les colons ont été les premiers à déclencher l’étincelle de la violence dans les territoires occupés et à Jérusalem. Ils avaient annoncé le 22 avril une campagne contre les Palestiniens de Jérusalem, baptisée « Lahfa » qui signifie étincelle. Celle-ci visait à commettre des agressions contre les Palestiniens.

— Les évolutions iront-elles dans le sens d’une nouvelle Intifada (soulèvement) ?

— Les événements de Jérusalem ont montré la solidarité et l’unité du peuple palestinien dans la défense de Jérusalem. Les Palestiniens de 1948 ont pris part à la défense de la Ville sainte, ainsi que ceux de Cisjordanie, alors que les Gazaouis, qui n’ont pas accès à Jérusalem, se sont engagés dans des accrochages avec l’occupation afin d’alléger la pression qui pèse sur leurs frères à Jérusalem.

— Comment voyez-vous les récentes pratiques visant à judaïser Jérusalem ?

— L’occupation n’a pas respecté les sentiments des musulmans durant le mois sacré du Ramadan. Et ceci a donné au conflit un caractère religieux. Le monde a commis une erreur en 1947 lorsqu’il a autorisé la mise en place d’un Etat religieux pour les juifs sur la terre historique de Palestine. Et le conflit arabo-israélien deviendra un conflit religieux si le monde n’agit pas et n’arrête pas l’avancée des extrémistes juifs.

— Une offensive terrestre sur Gaza après l’intensification des raids aériens est-elle possible ?

— Il est vrai qu’il existe une escalade rapide contre la bande de Gaza. Nous témoignons d’une mobilisation massive des forces d’occupation aux abords de Gaza et des raids ont été lancés par des avions-missiles dans toutes les régions de l’enclave. De l’autre côté, la résistance palestinienne vise les installations israéliennes avec des tirs de roquettes. Dans ce contexte, l’occupation israélienne réalise parfaitement qu’une offensive terrestre à Gaza ne sera pas facile et risque d’être coûteuse. Raison pour laquelle la partie israélienne mise sur les raids aériens avant d’envisager une offensive terrestre. En dépit de leur violence, les raids aériens ne trancheront pas la bataille et seule une offensive terrestre peut le faire, mais ce sera la dernière alternative face à Tel-Aviv une fois que les infrastructures palestiniennes seront détruites. A ce moment-là, Israël divisera le secteur en régions et tentera de s’infiltrer de manière graduelle dans le secteur. Ces événements ne ressemblent pas à ceux de 2014. Il faut savoir que l’action populaire s’élargit et on pourrait atteindre le stade d’une Intifada palestinienne ou même arabe, qui sera le prélude à un changement du conflit arabo-israélien. Et il est grand temps. La région témoigne actuellement d’une activité arabe d’envergure afin d’arrêter la guerre contre le peuple palestinien. L’Egypte déploie des efforts intenses pour empêcher toute dégradation de la situation et éviter une guerre dans la bande de Gaza.

— Quels sont les calculs d’Israël quant au timing de cette escalade ?

— Apparemment, la crise politique en Israël est derrière cette escalade. Netanyahu a fait appel à ses alliés de la droite sioniste pour provoquer ces événements et maintenir son siège de premier ministre. Après avoir été incapable de former le nouveau gouvernement de droite, il a décidé d’embarrasser Naftali Bennett, le président du parti Yamina qui se préparait à former un gouvernement. Avec les récentes évolutions, Naftali a décidé de faire marche arrière et de rester loyal au Likoud dirigé par Netanyahu. On pourrait donc assister à la formation d’un gouvernement d’urgence avec à sa tête Netanyahu et une coalition regroupant la plupart des partis de la droite sioniste afin de préserver l’identité de l’Etat juif. Et ceci, au moment où les accrochages dans les villes mixtes entre Arabes et juifs présagent d’une guerre civile.

— Qu’en est-il de la décision d’Abou-Mazen de reporter les élections palestiniennes ?

— Le report des élections palestiniennes n’était pas une décision sage étant donné que ces élections avaient été suspendues pendant plus de 15 ans à cause des divisions et des divergences intestines palestiniennes. C’était une opportunité pour le peuple palestinien afin de renouveler ses dirigeants. Les factions palestiniennes, qui s’étaient réunies au Caire en février et mars derniers, savaient bien que l’occupation israélienne n’accepterait pas de tenir les élections à Jérusalem-Est mais elles n’ont prévu aucun plan alternatif.

Abou-Mazen a utilisé la carte de Jérusalem pour suspendre les élections qui allaient donner une légitimité à ses adversaires du mouvement Fatah, surtout Mohamad Dahlan et Nasser Al-Qudwa. Abou-Mazen n’a pas tenté d’unifier le mouvement Fatah en prévision de ces élections. Le mouvement s’est lancé dans la course électorale avec trois listes. Les sondages d’opinion prévoyaient qu’au moins 15% des voix iraient au Courant de la réforme démocratique dirigé par Dahlan. Raison pour laquelle le président Abou-Mazen a utilisé la carte de Jérusalem comme prétexte pour reporter les élections.

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