Depuis environ un mois, les territoires occupés connaissent une escalade, la plus importante depuis 2014. Le bilan de cette escalade est de 141 morts, dont 39 enfants, après 5 jours de raids israéliens sur Gaza, en plus d'un grand nombre de blessés et de détenus en Cisjordanie après des affrontements entre les citoyens et les forces d'occupation. Les accrochages ont eu lieu durant les protestations contre les agressions israéliennes contre la mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem.
Ces évolutions, bien qu’inquiétantes, ont redonné à la cause palestinienne son importance sur les plans régional et international. Celle-ci avait connu un recul considérable au détriment d'autres causes arabes durant la dernière décennie. Plusieurs initiatives ont été proposées en vue d’un cessez-le-feu et d’une trêve permanente entre le Hamas et Israël, ce qui permettrait de relancer les négociations de paix suspendues depuis des années.
Tout a commencé dans la ville occupée de Jérusalem avec des provocations de la part des colons et des extrémistes juifs au début du mois du Ramadan (mi-avril 2021) durant la prière des tarawih à la mosquée d’Al-Aqsa. Le 22 avril 2021, les extrémistes juifs ont organisé des marches durant lesquelles ils ont scandé: « Mort aux Arabes », ce qui a provoqué des accrochages entre juifs et Arabes. Ces incidents ont coïncidé avec les tentatives du gouvernement israélien d’expulser 6 familles du quartier du Cheikh Jarrah en Cisjordanie occupée, dans le cadre d’un plan de judaïsation du quartier. Les accrochages se sont alors étendus à toutes les villes de Cisjordanie et de Gaza. Les affrontements ont failli gagné en ampleur après des échanges de missiles entre les factions palestiniennes et Israël.
Le 10 mai, l’armée d’occupation a lancé des raids aériens sur le secteur de Gaza pour répliquer aux tirs de roquettes. Ces raids étaient les plus violents depuis la guerre de 2014. Ils ont causé la mort de 141 personnes, et des dizaines d’autres ont été blessées. Parallèlement, les accrochages se sont poursuivis en Cisjordanie et les villes israéliennes, comme à Lod, où des accrochages ont eu lieu entre les Arabes de 1948 et la police israélienne. Des manifestations condamnant les agressions israéliennes se sont déroulées au Liban, en Syrie et en Jordanie.
L’intérêt pour la cause palestinienne relancé
Les dernières évolutions sur la scène palestinienne ont relancé l’intérêt régional et international en la cause palestinienne, devenue prioritaire sur l’agenda politique. Les pays arabes et islamiques ont condamné les attaques israéliennes sur le secteur de Gaza, appelant à un cessez-le-feu immédiat. Dans nombreux pays comme l’Egypte, la Tunisie, la Jordanie, le Liban, la France et la Turquie, des marches populaires ont condamné les agressions israéliennes.
La position égyptienne a pris la forme d’une action diplomatique intense et d’un soutien humanitaire illimité. Dès le début de la crise, une délégation sécuritaire égyptienne s’est rendue à Gaza et à Tel-Aviv pour proposer une initiative de cessez-le-feu et une trêve d’un an en plus de l’arrêt de la colonisation et du soutien aux colons qui envahissent la mosquée d’Al-Aqsa. La délégation égyptienne est parvenue à imposer aux Palestiniens l’arrêt du lancement des roquettes. Le Hamas a accepté l’initiative de cessez-le-feu, mais Israël a refusé toute médiation. Au niveau humanitaire, l’Egypte a décidé d’ouvrir le passage de Rafah pour transporter les blessés et les malades, afin qu’ils soient traités dans les hôpitaux du Sinaï. Et certains cas graves ont été reçus dans les hôpitaux du Caire.
Les évolutions actuelles dans les territoires palestiniens sont différentes de celles qui ont eu lieu en 2006, 2009 et 2014. Pour la première fois, les accrochages se déroulent sur 3 fronts à l'intérieur d'Israël : le secteur de Gaza, la Cisjordanie, les villes de l'intérieur israélien. Les foules se déplaçaient dans des marches pour traverser les frontières sur 3 fronts, à savoir les frontières libanaises, syriennes et jordaniennes.
Si les accrochages se poursuivent avec cette intensité sur ces 3 fronts, l'armée d'occupation ne pourra pas les affronter et les répercussions sur la cause palestinienne seront nombreuses. Les effets des événements actuels sont nombreux. Les affrontements entre les factions palestiniennes et l'armée israélienne dans le secteur de Gaza ont prouvé l'existence d'une évolution quantitative et qualitative dans l'armement de ces factions. Ceci est apparu dans le grand nombre de missiles et la précision des tirs. Pendant la guerre de 2014, le nombre de missiles lancés par le Hamas sur Israël avait été 800 en 51 jours. Cette fois, 1750 missiles ont été lancés, dont un missile d’une portée de 250 km qui a visé l'aéroport de Ramoun, le 2e plus grand aéroport d’Israël. Tel-Aviv affirme que son dôme de fer a fait face à 90% de ces missiles. Les villes et les colonies à Tel-Aviv ont été visées et les aéroports ont dû fermer, ce qui a causé une paralysie de la vie en Israël et des dégâts économiques importants.
La poursuite des accrochages dans les villes de Cisjordanie entre les habitants et les forces israéliennes augurait d’une 3e Intifada palestinienne après un bilan de 102 morts et blessés. Les Palestiniens refusaient les attaques contre la mosquée d’Al-Aqsa et le secteur de Gaza, ainsi que la judaïsation de Jérusalem. Il est possible que ce soulèvement palestinien relance l’intérêt en la cause palestinienne. La solidarité entre les habitants de Gaza et ceux de la Cisjordanie a ravivé le lien entre eux, ce qui constitue une occasion pour mettre fin aux divisions palestiniennes.
Ajoutons que les affrontements à l’intérieur des villes israéliennes mixtes, comme Lod et Askalan, où cohabitent la police israélienne et les Arabes de 1948, suscitent des inquiétudes quant au risque de voir se déclencher une guerre civile israélienne. C’est la première fois que ces affrontements soient aussi intenses et durent aussi longtemps. Ces affrontements enlèvent à Tel-Aviv son caractère démocratique et intègre en raison de la grande violence pratiquée contre ses citoyens parmi les Arabes de 1948 qui sont des Palestiniens ayant obtenu la nationalité israélienne et qui représentent 20% de la population. Ils sont cependant traités comme des citoyens de seconde zone.
Les manoeuvres de Netanyahu
Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a exploité les derniers événements et le lancement de roquettes à partir de Gaza et a lancé une campagne aérienne contre l’enclave. Il s’est opposé aux manifestations à Jérusalem et dans les villes de l’intérieur, pour entraver la formation du nouveau gouvernement, parce que ce n’est pas lui qui devait le présider. Netanyahu a cherché à apparaître comme un leader fort qui sauvegarde la sécurité de son pays. Il voulait améliorer sa popularité, car de nouvelles élections israéliennes, les cinquièmes en deux ans, étaient possibles. Et Netanyahu voulait les remporter. En contrepartie, le mouvement Hamas voulait lui montrer qu’il défendait la mosquée d’Al-Aqsa et la ville de Jérusalem occupée. Et c’est pour cela que le mouvement a intensifié le lancement des missiles sur les villes israéliennes. Objectif: améliorer sa popularité avant la tenue des prochaines élections législatives palestiniennes.
Sur la scène externe, l’observation des positions des pays de la région au sujet des derniers événements dans les territoires palestiniens montre que la Turquie et l’Iran ont tenté de tirer avantage de ces événements. Ankara a tenté d’augmenter son image devant les pays arabes pour améliorer ses chances de se rapprocher de ces derniers après des années de tension avec l’Egypte et l’Arabie saoudite. De plus, l’Iran a incité le Hamas à poursuivre les affrontements, afin de s’en servir comme moyen de pression sur Washington avec qui Téhéran est engagé dans des négociations autour de son programme nucléaire à Vienne.
Tout porte à croire que l’on se dirige vers un cessez-le-feu dans les jours qui viennent. L’Egypte devrait réussir à obtenir un cessez-le-feu et une trêve. Ces événements constituent une occasion historique de relancer les négociations de paix, afin de parvenir à une solution globale au conflit du siècle.
*Professeure de sciences politiques à l'Université du Caire
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