Des soldats saoudiens près de la frontière avec le Yémen, cible régulière des attaques houthies. (Photo : AFP)
Vendredi 26 mars, sixième anniversaire du début de l’intervention militaire de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen. Elle vient porter secours au gouvernement yéménite contre les rebelles houthis, soutenus par l’Iran. A Sanaa, la capitale entre les mains des Houthis, la célébration se fait sous un air de victoire, ou presque, avec des milliers de manifestants arborant les rues de Sanaa, brandissant des affiches sur la « victoire de l’islam » et scandant des slogans contre l’Arabie saoudite, les Etats-Unis ou encore Israël. Provocation ? Tout porte à croire que oui. L’anniversaire de l’intervention de la coalition coïncide avec de nouvelles attaques des rebelles contre le royaume. Jeudi 25 mars, un projectile lancé sur un terminal pétrolier de distribution de Jizan, près de la frontière, a provoqué un incendie dans l’un de ses réservoirs. Le ministère saoudien de l’Energie l’a annoncé dans un communiqué. Il précise qu’il n’y a pas de victimes, mais dénonce une « attaque lâche » et la considère dirigée non seulement contre le Royaume, mais aussi contre l’économie mondiale et la sécurité globale en matière d’énergie. Le ministère saoudien de la Défense a, lui, parlé d’un « acte de sabotage » ciblant les « civils » et qui « confirme le rejet par la milice terroriste des Houthis de l’initiative du Royaume pour mettre fin à la crise yéménite ». Les Etats-Unis, qui ont cessé leur soutien à l’intervention de leur allié saoudien tout en disant être à ses côtés face aux attaques rebelles, ont eux aussi dénoncé « une provocation claire visant à prolonger le conflit » et accusé les Houthis de compromettre les efforts de paix. Plus tôt le même jour, la coalition a rapporté avoir intercepté plusieurs drones chargés d’explosifs lancés vers le Royaume par les rebelles, ont rapporté les médias officiels. Les rebelles houthis ont également tenté de frapper les Universités de Najran et Jizan, des villes du sud du pays, situées près de la frontière avec le Yémen, a ajouté la coalition.
Une réponse militaire à l’offre saoudienne. Ces attaques interviennent en effet quelques jours après que les rebelles ont rejeté une proposition par Riyad d’un « cessez-le-feu global » qui comprenait la réouverture de l’aéroport international de Sanaa, exigée par les Houthis, et la reprise des négociations politiques sous l’égide de l’Onu, estimant que cela ne représentait « rien de neuf ». Les rebelles, forts de leurs succès militaires sur le terrain, ne veulent pas présenter la moindre concession. Ils réclament, avant toute reprise du processus politique, la levée complète du blocus aérien et maritime, imposé par l’Arabie saoudite pour empêcher, selon elle, les importations d’armes en provenance d’Iran.
A chacun ses calculs
Qu’en est-il donc de cette proposition de paix saoudienne ? Que signifie-t-elle et que signifient le rejet des Houthis, voire la pression qu’ils ne font qu’augmenter ? « L’Arabie saoudite a mis la balle de la paix dans le camp des Houthis et de la communauté internationale », commentait le quotidien saoudien Al-Riyad, qualifiant la démarche saoudienne de « courageuse initiative pour mettre fin à la crise au Yémen et pour parvenir à une solution politique globale ». Selon les analystes, avec cette main tendue rejetée par les rebelles, Riyad démontre que ce sont les Houthis et l’Iran qui veulent que la guerre continue. « En proposant la réouverture de l’aéroport de Sanaa et un accès aux revenus générés par le port de Hodeïda, deux souhaits de longue date des Houthis, Riyad croit qu’il les place au pied du mur face aux Etats-Unis et à l’Onu pour montrer qu’ils ne veulent pas de la paix au Yémen », analyse, sur Twitter, Cinzia Bianco, chercheuse spécialiste du Golfe au sein du cercle de réflexion European Council on Foreign Relations. Mais les rebelles houthis semblent estimer qu’ils sont suffisamment en position de force pour se plier aux conditions saoudiennes, au risque de passer pour le camp qui ne veut pas la paix. « L’initiative est une ruse, sous couverture onusienne. Riyad essaie de fuir ses responsabilités pour ne pas payer ce qu’elle doit au peuple yéménite après tous les dommages infligés », titrait de son côté le journal pro-Houthis Al-Masirah.
Ce qui est certain, c’est que l’heure des négociations viendra un jour ou l’autre. Et aujourd’hui, les parties sont en train d’utiliser tous les outils à leur disposition pour renforcer leur position une fois que cette heure viendra.
Dans ce bras de fer, reste un acteur-clé : les Etats-Unis. En un mois, Washington a dépêché à deux reprises un émissaire dans la région, et le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a pressé les rebelles de cesser leur offensive et de « se joindre aux Saoudiens et au gouvernement yéménite en agissant de manière constructive en faveur de la paix ». Or, un certain flou règne sur la position américaine. L’Administration Biden semble vouloir mettre fin à ce conflit. Elle a récemment annoncé la fin du soutien américain à la coalition et retiré les Houthis de la liste d’organisations terroristes, pour des raisons humanitaires notamment. En même temps, le conflit yéménite n’est pas sans lien avec la question du nucléaire iranien, de nouveau sur la table depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden. C’est dire que les dossiers sont bien compliqués et enchevêtrés. Les choses bougent, certes, mais la paix n’est pas pour demain.
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