Le conflit syrien a fait près de 400 000 morts et poussé la moitié de la population à l’exil. (Photo : AP)
Mars 2011, mars 2021. La situation a changé du tout au tout en Syrie. Des premières étincelles d’une révolte pacifique, à un conflit sanglant, en passant par les interventions étrangères, la Syrie n’est certainement plus la même que celle d’avant-2011. Le président Bachar Al-Assad est toujours au pouvoir, après avoir succédé en 2000 à son père Hafez. Il pourrait être reconduit pour un mandat de sept ans, à l’issue d’une nouvelle élection présidentielle au printemps. Il a certes réussi à se maintenir au pouvoir, à reprendre le contrôle de plus de 80 % du territoire, mais le pays est ravagé. Aussi, il fait face à un dilemme de taille : son régime ne peut ni être réintégré au système international, ni en rester exclu. Et, dix ans après le déclenchement du conflit — un conflit qui a fait près de 400 000 morts et poussé plus de la moitié de la population à l’exil —, la Syrie d’aujourd’hui n’est ni en guerre, ni en paix. Ni en guerre parce que le régime a nettement pris le dessus et que l’opposition est extrêmement fragilisée (l’opposition en exil et les rebelles en Syrie ne sont pas parvenus à former un front uni, sur le terrain, les factions armées se sont progressivement fragmentées). Ni en paix parce que d’une part, la région d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, échappe toujours au contrôle de Damas et la guerre s’y poursuit, notamment avec la présence de groupes djihadistes, dominés par Hayat Tahrir Al-Sham, ex-branche syrienne d’Al-Qaëda, ainsi que de rebelles armés soutenus par la Turquie ; et d’autre part, parce qu’une issue négociée au conflit n’a pas eu lieu. Si la communauté internationale, autrefois intraitable sur le départ d’Assad, se rend aujourd’hui à l’évidence et appuie une « fin négociée », elle reste impuissante quant à ce processus de négociations. Preuve en est la lenteur, voire l’échec, jusque-là du moins, du processus entamé par le Conseil constitutionnel, censé rédiger une nouvelle Constitution (voir sous-encadré).
Insurmontables défis ?
L’impasse est donc toujours là, malgré le succès militaire du régime. Un succès obtenu au prix d’ingérences étrangères, notamment celle de la Russie. Son rôle a été crucial dans le déroulement des événements, et Moscou a profité du conflit pour faire son entrée au Moyen-Orient par la Syrie et s’assurer ainsi d’une influence dans la région face aux autres puissances mondiales et régionales. Puissances qui, du reste, ont également leur mot à dire …
Le pays fait en outre face à d’importants défis, notamment celui de la reconstruction. Le coût économique de la guerre dépasse les 1 000 milliards de dollars, selon les derniers chiffres de la Heritage Foundation, et la Syrie n’a pas cet argent pour préparer sa reconstruction. Ses alliés non plus ne vont pas mettre la main dans la poche. En même temps, la forte influence russe entrave tout éventuel futur soutien occidental. Sans compter les sanctions économiques, notamment celles de la loi César, imposées par les Etats-Unis en 2020. Guerre, sanctions, pandémie, l’économie syrienne souffre. La livre syrienne a dégringolé de 7 900 % face au dollar américain depuis le début de la guerre.
Autres facteurs-clés : l’indifférence, ainsi que l’inaction de la communauté internationale et l’ambiguïté des Etats-Unis. Dix années durant, les Nations-Unies n’ont réussi à rien faire, et les membres permanents du Conseil de sécurité n’ont pas réussi à s’entendre sur une sortie de crise. Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, l’a pourtant rappelé la semaine dernière : l’Onu continuera de rechercher un règlement politique négocié au conflit. Selon lui, un premier pas sur cette voie devrait être des progrès tangibles au sein du Comité constitutionnel syrien. Il a jugé nécessaire de combler les divisions actuelles au sein de la communauté internationale « grâce à un dialogue diplomatique soutenu et solide ». « Ne pas le faire ne fera que condamner le peuple syrien à plus de désespoir. Nous ne pouvons tout simplement pas laisser cela se produire », a-t-il ajouté. Pas si sûr, d’autant plus que, côté américain, l’ambivalence est de mise et l’on ne sait pas encore les intentions de la nouvelle Administration de Joe Biden vis-à-vis de la Syrie, qui ne semble pas faire partie de ses priorités.
Reste un point important : la crise humanitaire. Avec plus de la moitié de la population en exil, le tissu social est en lambeaux. Et, selon l’Onu, environ 60 % des Syriens risquent de souffrir de la faim cette année. Autant de donnes qui font que l’avenir de la Syrie est des plus incertains.
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