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Libye : Une nouvelle page ?

Maha Salem avec agences, Mardi, 16 mars 2021

Le nouveau gouvernement libyen a prêté serment lundi 15 mars à Benghazi après avoir obtenu la confiance du parlement. Il devra conduire le pays à des élections présidentielle et législatives le 24 décembre prochain.

Libye : Une nouvelle page ?
Plusieurs dossiers chauds attendent le nouveau premier ministre, Abdelhamid Dbeibah.

Ce n’est pas sans diffi­culté que le gouverne­ment d’union nationale libyen, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, a finalement obtenu la confiance du parlement. C’est après deux jours de discus­sions acharnées que le parlement libyen a procédé au vote de confiance, mercredi 10 mars. Composé de 27 ministres, 6 ministres d’Etat et deux vice-pre­miers ministres, le nouveau gou­vernement a prêté serment ce lundi 15 mars devant le parlement, et la passation du pouvoir se fera au courant des jours à venir. Un pas important attendu par les Libyens mais aussi par la communauté internationale, car il devrait per­mettre de tourner la page d’une décennie noire et changer la situa­tion catastrophique du pays, éco­nomique, sécuritaire et politique. Or, le chemin est semé d’em­bûches. Ce gouvernement a été jugé élargi alors que le parlement réclamait qu’il soit restreint. Mais Dbeibah s’est défendu en affirmant que sa formation avait donné beau­coup de travail et qu’il fallait être inclusif pour réussir à fonctionner et qu’il est obligé d’appliquer le plan onusien, tout en insistant sur le fait qu’ils sont en majorité des spécialistes. Le nouveau premier ministre l’a dit et redit : son gou­vernement « représentera tous les Libyens ». Cependant, il a ajouté qu’il aurait préféré avoir plus de technocrates, mais qu’il s’est plié à la logique de l’équilibre régional.

Autre point, la présence inédite des femmes. Pour la première fois dans l’histoire politique de la Libye, 5 femmes occuperont des ministères dont 2 postes-clés : les Affaires étrangères et la Justice. « Pour former le gouvernement, nous avons pris en compte l’équi­libre entre la compétence et la garantie de l’inclusion régionale de manière à ce que le gouverne­ment soit réellement représentatif de tous les Libyens », a expliqué Dbeibah. Pour le soutenir, la Mission d’Appui de l’Onu en Libye (MANUL) a félicité les députés d’avoir convoqué une ses­sion réunifiée après de nombreuses années de divisions et de paralysie, saluant une session historique et une étape cruciale pour l’unifica­tion du pays.

De nombreux défis

Mais les marges de manoeuvres de Dbeibah sont limitées. « Il doit suivre le plan onusien. Et même si ce plan a fixé des détails à même de garantir la réussite cette fois-ci, la tâche n’est pas facile. Déjà, ce gouvernement a la lourde tâche d’organiser des élections géné­rales dans 9 mois », estime Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Celle-ci met en cause un point essentiel dans le plan onu­sien. « Il est basé sur l’équilibre entre les régions, les tribus et les factions. Autrement dit, le système communautaire a prévalu. Or, ce système s’est montré défaillant et risque de conduire à des problèmes sur le long terme, comme on l’a vu en Iraq et au Liban. Cela dit, il reste incontournable, et à la table de négociations, il représente tou­jours la meilleure issue », explique l’analyste, tout en ajoutant que le portefeuille hautement stratégique de la Défense a fait l’objet d’inter­minables tractations entre l’est et l’ouest, et pour finir, c’est le pre­mier ministre lui-même qui en assurera la fonction. « C’était l’is­sue la plus convenable à ce point d’achoppement qui demeure cri­tique », dit-elle.

Autre difficulté selon l’analyste, l’unification de l’armée et des insti­tutions sécuritaires. « C’est un vrai obstacle dans ce pays et même les discussions du comité 5+5 ont été très difficiles. Comme toutes les institutions libyennes, l’armée et les institutions sécuritaires sont divisées et les divergences sont grandes. A cela s’ajoute la question des milices armées, toujours pré­sentes et influentes, et dont cer­taines refusent toujours de s’inté­grer aux institutions sécuritaires ou bien de désarmer. Or, leur présence constitue un vrai danger », affirme Mona Soliman, qui précise que plus de 40 000 armes pullulent dans la Libye. Outre les milices, il y a aussi la présence de mercenaires étrangers qui constitue un autre obstacle à la paix. « Il faudra de longues discussions pour résoudre la question sécuritaire », estime-t-elle. Plusieurs autres dossiers com­pliqués attendent le nouveau gou­vernement : la répartition des reve­nus du pétrole, source récurrente de tensions, la lutte contre la corrup­tion et la présence militaire étran­gère. Des forces turques sont instal­lées en Tripolitaine, tandis que des mercenaires russes sont déployés en Cyrénaïque et dans le Fezzan méridional.

Reste la question de la rédaction de la Constitution. A cet effet, un comité a été formé et il se réunit toutes les semaines à Hurghada, en Egypte, depuis janvier dernier, « mais aucun détail n’a été publié sur ses travaux », dit Mona Soliman. Et enfin, Dbeibah aura à unifier le parlement, aujourd’hui divisé. Une autre lourde tâche.

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