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Libye : Une nouvelle équipe à l’épreuve

Maha Salem avec agences, Mardi, 09 février 2021

Le nouveau premier ministre intérimaire libyen et les trois membres du Conseil présidentiel, choisis cette semaine à Genève, doivent s’atteler à préparer les élections de décembre prochain, à réunifier les institutions de l’Etat et à assurer la sécurité. Une lourde tâche.

Libye : Une nouvelle équipe à l’épreuve
Il a fallu une semaine de débats et de vote à Genève sous les auspices de l’Onu pour désigner le premier ministre intérimaire et les membres du Conseil présidentiel. (Photo : AFP)

Après des années de ten­sions, de violence et de chaos, la Libye a enta­mé, samedi 6 février, une nouvelle phase de transition. Vendredi 5 février, les 75 membres du Forum de dialogue politique ont voté à Genève pour choisir un conseil pour diriger la période de transition dans le cadre d’un proces­sus lancé en novembre par l’Onu. Quatre nouveaux dirigeants — un premier ministre et les trois membres d’un Conseil présidentiel — issus des trois régions de la Libye devront ten­ter de réunifier les institutions de l’Etat et assurer la sécurité dans ce pays miné par les divisions, avec deux autorités rivales basées dans l’ouest et dans l’est qui se disputent le pouvoir. Ainsi, Abdel Hamid Dbeibah est devenu premier ministre (voir enca­dré) et son colistier, Mohammed Younes el-Menfi, originaire de Cyrénaïque (est), a été élu président du Conseil présidentiel intérimaire. Il sera épaulé par deux vice-présidents : Moussa Al-Koni, un Touareg, et Abdallah Hussein Al-Lafi, un député de Zaouia (Ouest).

« Le résultat du vote est une sur­prise parce que les principales per­sonnalités influentes étaient sur l’autre liste. C’est un choix contre les favoris. Les Libyens ne cessent de dénoncer le non-renouvellement des élites politiques du pays, la corrup­tion et un quotidien rythmé par des pénuries de liquidités et d’essence, les coupures d’électricité et l’inflation », explique Dr Ayman Chabana, profes­seur de sciences politiques à l’Univer­sité du Caire, tout en ajoutant que la liste de Dbeibah faisait figure d’outsi­der par rapport à celle du président du parlement, Aguila Saleh, et du puis­sant ministre de l’Intérieur, Fathi Bashagha, deux poids lourds poli­tiques non seulement à l’intérieur de la Libye, mais aussi à l’étranger.

De part et d’autre, ce pas a été salué. « Le commandement général des forces armées libyennes bénit et féli­cite le peuple libyen pour les résultats du Forum du dialogue politique libyen sous l’égide de la Mission des Nations-Unies en Libye, qui a abouti à l’élection d’une nouvelle autorité exécutive », a déclaré Ahmad Al-Mesmari, porte-parole du maré­chal Haftar, depuis Benghazi (est). Cette première réaction du camp de l’est de la Libye intervient au lende­main de celle de Fayez Al-Sarraj, chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli (ouest), qui a félicité « ceux qui ont été choisis à la tête de ces responsabilités dans cette période difficile, leur souhaitant du succès dans leur mission ».

A l’étranger aussi, cette avancée a été louée. Le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, a salué « une très bonne nouvelle » dans la quête de la paix. Mais le plus dur reste à faire. Les pays européens et arabes ont souligné qu’un long chemin restait à parcourir. En effet, il faut noter que l’exécutif intérimaire a une mission lourde et difficile, car plusieurs obstacles vont les rencon­trer. « L’autorité exécutive unifiée devra mettre en oeuvre l’accord de cessez-le-feu, fournir les services publics essentiels au peuple libyen, lancer un programme de réconcilia­tion significatif, réunifier les institu­tions de l’Etat, faire face aux besoins critiques du budget national, organi­ser des élections nationales prévues en décembre et mettre fin à une décen­nie de chaos », a affirmé le communi­qué de 75 membres. Selon Dr Mona Soliman, professeure de sciences poli­tiques à l’Université du Caire, la mis­sion est difficile, la tâche est lourde et plusieurs questions restent en suspens. « Par exemple, aucun détail n’a été mentionné sur les institutions sécuri­taires, surtout l’armée libyenne. Or, le rôle de ces institutions constitue l’un des principaux différends qui doit être réglé en premier lieu », estime-t-elle. Elle explique que depuis 6 mois, « les discussions de la commission mili­taire conjointe 5+5 se tiennent régu­lièrement, mais les différends persis­tent et aucun accord sur l’organisa­tion des institutions sécuritaires n’a été trouvé ». Et d’ajouter : « L’application des accords est tou­jours l’étape la plus difficile. Avant tout, le nouveau premier ministre doit chercher les moyens d’appliquer les accords, il doit profiter du soutien des pays européens et arabes ».

21 jours pour former un gouvernement

Selon le plan onusien, le premier ministre dispose de 21 jours maxi­mum pour former son cabinet. Il bénéficiera de 21 jours supplémen­taires pour obtenir le vote de confiance au parlement, soit au plus tard le 19 mars. Des accords signés au Maroc en 2015 sous l’égide de l’Onu avaient déjà débouché sur la formation d’un Gouvernement d’union nationale (GNA, basé à Tripoli) et la désignation de son chef Fayez Al-Sarraj, mais celui-ci n’a jamais pu obtenir la confiance du parlement, basé dans l’est, ni imposer son autorité auprès des forces politiques et militaires du pays. Ainsi, le défi est de taille pour la nouvelle équipe dirigeante après 42 ans du pouvoir sans partage de Kadhafi ayant laissé place aux vio­lences, aux luttes de pouvoir et aux ingérences étrangères. Après l’échec d’une offensive lancée en avril 2019 par le maréchal Khalifa Haftar pour conquérir Tripoli, des progrès politiques ont toutefois été accomplis avec un cessez-le-feu signé à l’automne et un rebond de la production pétrolière, secteur-clé de l’économie.

Dans un discours télévisé, Dbeibah a appelé tous les Libyens à soutenir son gouvernement pour la recons­truction du pays, promettant d’être prêt à écouter et à travailler avec tous les Libyens, quelle que soient leur idéologie, leur appartenance ou leur région.

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