Manifestations, gronde populaire, bras de fer à la tête de l’exécutif, tentative d’empoisonnement du président : la Tunisie vit des jours difficiles en ce 10e anniversaire de la chute du régime de Ben Ali. Le pays se débat dans une crise politique et économique aggravée par la pandémie du coronavirus. Plusieurs centaines de jeunes Tunisiens sont descendus, samedi 30 janvier, dans les rues de la capitale tunisienne pour protester contre la répression policière et pour réclamer la libération des manifestants arrêtés les jours précédents, mais aussi pour dénoncer la corruption. Ces manifestations sont intervenues après qu’un millier de personnes avaient été arrêtées au cours de plusieurs heurts les semaines précédentes, alors que les Tunisiens manifestaient contre les mauvaises conditions de vie à l’occasion du 10e anniversaire de la révolte qui a fait chuter l’ancien régime. Un jeune manifestant a été tué et un autre grièvement blessé la semaine dernière, selon leurs proches, par des cartouches de gaz lacrymogène.
Parallèlement à ce malaise social, la situation politique reste crispée en Tunisie. Le parlement a approuvé, le 26 janvier, le remaniement ministériel proposé par le premier ministre Hichem Mechichi. Contrairement à toutes les prévisions, les onze nouveaux ministres ont été adoubés avec bien plus que les 109 voix requises. En pleine crise politique, Hichem Mechichi confirme ainsi qu’il a ses appuis dans l’hémicycle. Il a pu compter sur les voix d’Ennahda, de Qalb Tounès, de la Coalition El Karama, de Tahya Tounès et du bloc parlementaire d’El Islah, soit 127 députés sur les 217 que compte l’hémicycle. Avec ces soutiens, Mechichi s’est assuré de conditions de gouvernance plus paisibles. Il a désormais les coudées franches pour appliquer un programme centré sur les réformes, réclamées notamment par le Fonds Monétaire International (FMI) lors de son évaluation de la situation de la Tunisie fin 2020.
La crise politique n’est pourtant pas finie. Loin de là. Avant l’approbation du parlement, le président tunisien, Kaïs Saïed, avait manifesté son opposition à la nouvelle équipe gouvernementale de Mechichi. Il l’avait notamment accusé de ne pas avoir appliqué la Constitution à la lettre et de ne pas s’être assuré de « l’éligibilité morale » des ministres, et avait aussi affiché son mécontentement de ne pas avoir été consulté pour la composition du gouvernement.
Certes, l’approbation du gouvernement par le parlement a évité, ne serait-ce que pour le moment, la chute de l’exécutif, il n’en demeure pas moins que les tensions restent extrêmes. D’un côté, la crise n’est pas finie : les nouveaux ministres doivent encore prêter serment en présence du président de la République, et il n’est pas sûr que Kaïs Saïed les invite à le faire. De l’autre, ces dernières semaines, les différends entre Kaïs Saïed et Hichem Mechichi se sont publiquement dégradés, et parallèlement, un bras de fer oppose depuis quelques mois le chef de l’Etat et celui de l’Assemblée, Rached Ghannouchi. Or, le premier ministre a, semble-t-il, dû se rapprocher de ce dernier, dont le parti le soutient au parlement, au grand dam du président tunisien. Et pourtant, dans le système tunisien, un monstre à trois têtes avec un exécutif bicéphale, les relations entre le gouvernement et la présidence sont essentielles à l’équilibre de l’exécutif.
Tentative d’empoisonnement de Kaïs Saïed ?
Une enquête a été ouverte en Tunisie après la réception d’un courrier suspect destiné au chef de l’Etat, Kaïs Saïed, ont annoncé les autorités. Un courrier ouvert, mardi 26 janvier, par un responsable du cabinet de Kaïs Saïed contenait une matière suspecte et une enquête a été ouverte pour déterminer sa nature et sa provenance, a précisé la présidence tunisienne à l’AFP. La lettre ne contenait aucun document si ce n’est la poudre suspecte. Personne n’a été indisposé, et le courrier n’est pas arrivé entre les mains du président, selon la même source. Les médias tunisiens ont de leur côté évoqué un soupçon de courrier à la ricine, un poison potentiellement mortel. Une autre confirmation est venue des services de la présidence algérienne, qui indiquent à travers un communiqué, en date du mercredi 27 janvier, que « le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a eu (...) un entretien téléphonique avec son frère, le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, au cours duquel il s’est enquis de son état de santé, à la suite de la nouvelle de la tentative de son empoisonnement ».
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