Mercredi, 13 novembre 2024
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S.E. M. Georg Stillfried : En Europe, tout homme politique responsable fait la différence entre la religion musulmane et les groupes terroristes utilisant l’islam comme alibi

Propos recueillis par Amr Zoheiri, Mardi, 24 novembre 2020

Deux semaines après les attaques en France et en Autriche, l’ambassadeur d’Autriche en Egypte, S.E. M. Georg Stillfried, revient sur les causes profondes du terrorisme islamiste et sur les efforts de la lutte antiterroriste.

Al-Ahram Hebdo : Suite aux récentes attaques qui ont frappé la France et l’Autriche, le chan­celier autrichien, Sebastian Kurz, s’est rendu en France, puis une visioconférence à laquelle s’est jointe la chancelière allemande et consa­crée à une réponse européenne face à la menace terroriste a été tenue. Quelle sera cette réponse ?

Georg Stillfried: Cette attaque était en effet une attaque de la barbarie contre la civilisation. Et cela nous pousse tous à être solidaire pour faire échouer cette attaque de la barbarie. Pendant cette confé­rence à Paris, les leaders européens se sont mis d’accord sur des mesures concrètes. Elles consistent d’abord à renforcer la protection des frontières inte­reuropéennes avec des moyens plus efficaces. Il s’agit aussi de renforcer la coordination intereuro­péenne des services de sécurité et de préparer et de mener la bataille des idées sur Internet, qui impose­rait peut-être des fois de fermer des sites et de déjouer des réseaux islamistes dangereux. Même si cela est un but, l’objectif le plus important est d’em­pêcher la radicalisation des citoyens européens et d’éviter leur désintégration de leur société.

— Al-Qaëda, Daech, Boko Haram, que repré­sentent ces groupes au juste? Pourquoi ont-ils de l’écoute parmi nombreux, notamment des jeunes? En ce cas, comment peut-on éviter l’amalgame entre l’islam et l’islamisme ?

— La question est difficile. C’est l’interaction de plusieurs raisons qui se sont accumulées avec le temps, et cela dépend des pays. Il y a la pauvreté comme facteur, également, l’absence de la présence étatique dans quelques cas. Je pense que l’événe­ment historique qu’il faut souligner, c’est l’invasion de l’Afghanistan par l’armée rouge de l’ex-URSS, parce qu’à partir de ce moment-là ces groupes ont appris à se former, à s’organiser et à utiliser et mani­puler les armes. Et l’ironie du sort fait qu’à ce moment-là, les Moudjahidines avaient une image positive dans le monde entier comme ils représen­taient des résistants contre une invasion étrangère. Il y a aussi dans le monde arabe pour des générations un pessimisme et une déception créée à cause des échecs des systèmes politiques en gouvernance, soit socialistes ou nationalistes, comme en démonstra­tion les Baathistes en Iraq ou en Syrie, entre autres. Avec cette déception, le slogan de « L’islam est la solution » s’est imposé sans définir quel islam il mentionnait. En Europe, tout homme ou femme politique responsable fait la différence claire entre la religion musulmane et sa culture, et les groupes politiques utilisant l’islam comme alibi pour com­mettre le terrorisme et atteindre des objectifs mali­cieux. Dans la majorité des pays européens, des histoires de succès se manifestent dans les commu­nautés musulmanes européennes et les membres de ces communautés participent activement dans les vies politiques européennes, nationales ou locales. Malheureusement, d’autres groupes adverses dans nombreux pays utilisent l’islam comme une raison pour enflammer la xénophobie. Et nous devons prendre compte de cela. Et soutenir nos concitoyens européens musulmans et combattre la barbarie quelle que soit sa source.

— Quel rôle peut jouer une institution reli­gieuse et universitaire comme Al-Azhar en Europe, à côté peut-être de mettre les fidèles sur le droit chemin et combattre le discours extré­miste ?

— La présence d’Al-Azhar et des institutions qui portent les exemples de l’islam, pacifique, moderne et intellectuel est primordiale pour pouvoir vaincre dans la bataille des idées. Le rôle d’Al-Azhar dans cette bataille spirituelle, cultuelle et idéologique contre la radicalisation est très important. Puisque cette institution est capable de réfuter l’idéologie radicale et vaincre cette guerre inévitable. Al-Azhar fait beaucoup en Europe, mais je pense que beau­coup plus peut être fait.

— Vienne avait également été, en août 1981, victime d’un attentat ayant d’autre nature de revendication et attribué au nationalisme palesti­nien. Aujourd’hui, en ce que concerne ce conflit sujet d’alibi également pour l’extrémisme reli­gieux, que peut faire l’Autriche en tant que pays de tradition neutre et membre de la communauté européenne, pour arriver à retrouver une solu­tion juste et acceptable par les deux peuples concernés ?

— En ce que concerne le conflit israélo-palesti­nien, je pense que la solution doit être proposée de l’intérieur de la région et beaucoup de pays arabes peuvent donner de l’accélération à ce processus. Aujourd’hui, la priorité est d’avoir une union pales­tinienne pour représenter un interlocuteur commun face à celui israélien. En étant neutre, je pense que les Palestiniens, aujourd’hui, doivent regretter d’avoir laissé passer la proposition du président égyptien Anouar Al-Sadate à son temps. Et aujourd’hui dans sa tradition, l’Egypte peut conti­nuer à jouer ce rôle positif et crucial pour mettre les factions palestiniennes en accord ensemble. Et l’Union européenne fait beaucoup d’effort pour financer l’Autorité palestinienne. Dans l’immédiat, une solution rapide ne semble pas à l’horizon. Mais il ne faut pas perdre l’espoir et continuer à oeuvrer pour mettre les différents concernés sur la table de négociation .

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