Al-Ahram Hebdo : Suite aux récentes attaques qui ont frappé la France et l’Autriche, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, s’est rendu en France, puis une visioconférence à laquelle s’est jointe la chancelière allemande et consacrée à une réponse européenne face à la menace terroriste a été tenue. Quelle sera cette réponse ?
Georg Stillfried: Cette attaque était en effet une attaque de la barbarie contre la civilisation. Et cela nous pousse tous à être solidaire pour faire échouer cette attaque de la barbarie. Pendant cette conférence à Paris, les leaders européens se sont mis d’accord sur des mesures concrètes. Elles consistent d’abord à renforcer la protection des frontières intereuropéennes avec des moyens plus efficaces. Il s’agit aussi de renforcer la coordination intereuropéenne des services de sécurité et de préparer et de mener la bataille des idées sur Internet, qui imposerait peut-être des fois de fermer des sites et de déjouer des réseaux islamistes dangereux. Même si cela est un but, l’objectif le plus important est d’empêcher la radicalisation des citoyens européens et d’éviter leur désintégration de leur société.
— Al-Qaëda, Daech, Boko Haram, que représentent ces groupes au juste? Pourquoi ont-ils de l’écoute parmi nombreux, notamment des jeunes? En ce cas, comment peut-on éviter l’amalgame entre l’islam et l’islamisme ?
— La question est difficile. C’est l’interaction de plusieurs raisons qui se sont accumulées avec le temps, et cela dépend des pays. Il y a la pauvreté comme facteur, également, l’absence de la présence étatique dans quelques cas. Je pense que l’événement historique qu’il faut souligner, c’est l’invasion de l’Afghanistan par l’armée rouge de l’ex-URSS, parce qu’à partir de ce moment-là ces groupes ont appris à se former, à s’organiser et à utiliser et manipuler les armes. Et l’ironie du sort fait qu’à ce moment-là, les Moudjahidines avaient une image positive dans le monde entier comme ils représentaient des résistants contre une invasion étrangère. Il y a aussi dans le monde arabe pour des générations un pessimisme et une déception créée à cause des échecs des systèmes politiques en gouvernance, soit socialistes ou nationalistes, comme en démonstration les Baathistes en Iraq ou en Syrie, entre autres. Avec cette déception, le slogan de « L’islam est la solution » s’est imposé sans définir quel islam il mentionnait. En Europe, tout homme ou femme politique responsable fait la différence claire entre la religion musulmane et sa culture, et les groupes politiques utilisant l’islam comme alibi pour commettre le terrorisme et atteindre des objectifs malicieux. Dans la majorité des pays européens, des histoires de succès se manifestent dans les communautés musulmanes européennes et les membres de ces communautés participent activement dans les vies politiques européennes, nationales ou locales. Malheureusement, d’autres groupes adverses dans nombreux pays utilisent l’islam comme une raison pour enflammer la xénophobie. Et nous devons prendre compte de cela. Et soutenir nos concitoyens européens musulmans et combattre la barbarie quelle que soit sa source.
— Quel rôle peut jouer une institution religieuse et universitaire comme Al-Azhar en Europe, à côté peut-être de mettre les fidèles sur le droit chemin et combattre le discours extrémiste ?
— La présence d’Al-Azhar et des institutions qui portent les exemples de l’islam, pacifique, moderne et intellectuel est primordiale pour pouvoir vaincre dans la bataille des idées. Le rôle d’Al-Azhar dans cette bataille spirituelle, cultuelle et idéologique contre la radicalisation est très important. Puisque cette institution est capable de réfuter l’idéologie radicale et vaincre cette guerre inévitable. Al-Azhar fait beaucoup en Europe, mais je pense que beaucoup plus peut être fait.
— Vienne avait également été, en août 1981, victime d’un attentat ayant d’autre nature de revendication et attribué au nationalisme palestinien. Aujourd’hui, en ce que concerne ce conflit sujet d’alibi également pour l’extrémisme religieux, que peut faire l’Autriche en tant que pays de tradition neutre et membre de la communauté européenne, pour arriver à retrouver une solution juste et acceptable par les deux peuples concernés ?
— En ce que concerne le conflit israélo-palestinien, je pense que la solution doit être proposée de l’intérieur de la région et beaucoup de pays arabes peuvent donner de l’accélération à ce processus. Aujourd’hui, la priorité est d’avoir une union palestinienne pour représenter un interlocuteur commun face à celui israélien. En étant neutre, je pense que les Palestiniens, aujourd’hui, doivent regretter d’avoir laissé passer la proposition du président égyptien Anouar Al-Sadate à son temps. Et aujourd’hui dans sa tradition, l’Egypte peut continuer à jouer ce rôle positif et crucial pour mettre les factions palestiniennes en accord ensemble. Et l’Union européenne fait beaucoup d’effort pour financer l’Autorité palestinienne. Dans l’immédiat, une solution rapide ne semble pas à l’horizon. Mais il ne faut pas perdre l’espoir et continuer à oeuvrer pour mettre les différents concernés sur la table de négociation .
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