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Libye : Le long chemin de la paix

Maha Salem avec agences, Mercredi, 11 novembre 2020

Des représentants libyens de différents bords ont débuté, lundi 9 novembre, des pourparlers directs en Tunisie, sous l'égide de l'Onu. Un fait qui relance l'espoir d'un accord sur un nou­veau gouvernement unifié et l'organisa­tion d'élections. La tâche s'annonce pourtant difficile.

Libye : Le long chemin de la paix
Le forum doit durer 4 jours. (Photo : AP)

Comme prévu, un nouveau round du dialogue entre les Libyens a com­mencé à Gammarth près de Tunis, le 9 novembre. Organisé par la Mission d’appui des Nations-Unies en Libye (Manul), ces quatre jours de discussions visent à parvenir à une vision unifiée d’un règlement pacifique à la crise libyenne. L’émissaire par intérim de l’Onu en Libye, Stephanie Williams, s’est dit « optimiste », évoquant « une lueur d’espoir ». En ouverture, le président tunisien, Kais Saied, a appelé à saisir ce « rendez-vous avec l’His­toire ». « Le futur de la Libye est entre vos mains », a exhorté le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, dans un message vidéo adressé aux participants. Guterres a appe­lé au respect de l’embargo sur les livraisons d’armes vers la Libye.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a jugé « encourageant » le processus en cours de règlement de la crise libyenne, marqué lundi par l’ouverture d’un forum politique inter-libyen en Tunisie, en sou­lignant toutefois qu’il fallait « rester prudent ». Au Caire, où il était en visite cette semaine, Le Drian a évoqué le dossier libyen. Le Caire et Paris ont à nouveau exprimé une position com­mune, à savoir le retrait des mercenaires étran­gers et le respect de l’embargo sur les armes.

Objectifs prioritaires

A Gammarth, un accord sur l’organisation d’élections nationales à court terme doit favo­riser la fin d’une période de transition intermi­nable qui a miné les institutions et leur capa­cité à répondre aux besoins des Libyens. Les participants sont aussi chargés de choisir un conseil présidentiel de trois membres repré­sentant la Cyrénaïque (est), la Tripolitaine (ouest) et le Fezzan (sud) — les trois grandes régions libyennes — et un chef de gouverne­ment. Ils devront s’accorder sur la façon de faire valider ces nominations par les institu­tions libyennes. Trois documents sont sur la table à Tunis, concernant les objectifs priori­taires pour le pays (désarmement des milices, lutte contre la corruption, etc.), l’unification des institutions et les modalités d’accès à ces institutions.

La tâche s’annonce donc lourde et difficile à accomplir. Car à peine annoncée, la liste de 75 participants a soulevé des critiques : la répar­tition est jugée déséquilibrée entre camps de l’ouest et camps de l’est. Un point d’achoppe­ment entre les différents camps libyens qui entrave toujours l’application des accords déjà signés. En effet, les 75 personnes représentent la plupart des camps libyens et ne comptent pas de hauts dirigeants, et parmi eux des membres des deux parlements rivaux ainsi que des militants de la société civile. « Les parti­cipants à ce dialogue ont été sélectionnés sur le principe d’une représentation équitable sur le plan géographique, ethnique, politique, tri­bal et social. L’objectif est de parvenir à un consensus sur des arrangements qui abouti­raient à l’organisation d’élections générales dans le pays », a pourtant affirmé le communi­qué de la Manul. Ce Forum de Gammarth com­prend 26 membres désignés par le parlement pro-Haftar et le Haut Conseil d’Etat — l’équi­valent d’un sénat — basé à Tripoli. Les 49 autres participants ont été invités par l’Onu de façon à représenter les différents pôles du pou­voir et de la société : villes, tribus, forces poli­tiques ... Ils ont tous renoncé à briguer un man­dat dans les institutions résultant de ces pour­parlers.

« Il est vrai que la communauté internatio­nale exerce de fortes pressions sur les parties en conflit pour un règlement pacifique à la crise libyenne, mais il ne faut ni placer la barre trop haut ni avoir beaucoup d’espoir. Il y a déjà eu plusieurs conférences et accords, avec des feuilles de route détaillées et des dates fixées pour les échéances électorales, tous sont restés lettre morte et rien n’a été appliqué. Même le récent accord de cessez-le-feu est violé », sou­ligne la politologue et professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, Dr Mona Soliman, affichant son scepticisme. Et d’ajou­ter : « Le sort des dirigeants actuels, qui sont les vrais acteurs de la crise, reste inconnu. Les discussions doivent commencer par ce point critique ». Selon elle, pour parvenir à un arrangement, il est nécessaire d’avoir de nou­velles figures dans les étapes à venir. Autre point sensible, les combattants armés. « Ils doivent être intégrés aux forces sécuritaires. La tenue d’élections dans un pays qui compte plus de 45 000 armes est très difficile », estime Dr Mona Soliman.

Depuis septembre, des réunions thématiques se sont succédé au Maroc, en Egypte et en Suisse. Et après plusieurs rounds de négocia­tions, les délégations des deux parties libyennes avaient signé, le 23 octobre dernier à Genève, un accord de cessez-le-feu. Un accord qui prévoit un calendrier pour le départ des mercenaires et des forces étrangères du territoire libyen, l’un des points cruciaux dont dépend toute solution. Le vrai test aura donc lieu dans trois mois, date à laquelle ces merce­naires devraient avoir quitté le pays. Sans cela et sans une cessation des ingérences étran­gères, notamment celle de la Turquie, aucune solution n’est possible.

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