Le soutien arabe à la Palestine reste nécessaire.
Les négociations de paix directes entre Palestiniens et Israéliens, gelées depuis presque 3 ans, ont repris cette semaine à Washington. Une nouvelle qui, malgré son importance dans la région, n’a pas eu un grand écho dans la presse et les médias arabes. Pourtant, une telle annonce aurait provoqué, il y a quelques années, beaucoup de bruit pendant plusieurs jours. Mais cette fois-ci, c’est l’indifférence qui règne dans la région, surtout dans les pays du Printemps arabe, autrefois à la tête de ces pourparlers.
Ce fameux Printemps arabe a-t-il relativisé la question palestinienne ? Est-ce pour cette raison que les Palestiniens ont dû recourir à Washington, perdant tout espoir en un soutien arabe ? Les réponses restent incertaines, mais une chose est sûre : la cause palestinienne n’est plus au centre des préoccupations des voisins arabes, même si elle n’est pas complètement négligée. Le politologue Mohamad Gomaa du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram souligne : « On ne peut pas parler d’une position arabe unique, mais plutôt de plusieurs positions différentes qui, dans leur ensemble, représentent un grave recul arabe vis-à-vis de la question palestinienne ». Et d’ajouter : « Depuis le déclenchement du Printemps arabe, beaucoup de changements sont intervenus dans la cause palestinienne, dont le plus important a été le recours aux Nations-Unies pour un soutien international en faveur d’un Etat palestinien avec pour capitale Jérusalem-Est. Mais tous ces faits n’ont suscité aucune réaction ni dans la rue arabe, ni chez leurs nouveaux dirigeants. Pourtant, une pression arabe aurait peut-être mené à des résultats positifs pour les Palestiniens ». Ainsi, les tentatives de rapprochement du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, pour relancer les négociations et l’optimisme qu’affiche à ce sujet le président Mahmoud Abbas, n’ont trouvé aucun écho dans la rue arabe. Pas plus que la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie occupée, les arrestations incessantes ou encore la situation à Gaza, de plus en plus catastrophique.
Bouleversements incessants
L’instabilité politique égyptienne et tunisienne, la tragédie syrienne, la pagaille libyenne, tout cela éclipse la question palestinienne, y compris au sein des opinions publiques arabes directement confrontées à des bouleversements politiques incessants. On peut donc le dire : le Printemps arabe, événement « positif » s’il en est malgré les défis qu’il génère, n’est finalement pas une bonne nouvelle pour les Palestiniens. Nabil Chaath, membre du Conseil central du mouvement palestinien Fatah, affirme que : « Le Caire et Damas comptaient parmi les principaux acteurs dans les affaires proche-orientales, y compris dans le domaine du problème palestino-israélien. Aujourd’hui, les deux pays sont pris par leurs problèmes internes. Espérons que très prochainement la Syrie et l’Egypte pourront de nouveau jouer leur rôle sur la scène régionale et rétablir leur soutien aux Palestiniens ».
Les pays du Golfe aussi, comme l’explique Gomaa, se mettent à l’écart de la cause palestinienne. Pour eux, le choix stratégique, qui n’irait pas contre leurs intérêts économiques avec les Etats-Unis et les Occidentaux, est le meilleur à suivre. Ce à quoi joue le Qatar qui tente peu à peu d’occuper la place laissée vide par la Syrie, tout comme la Jordanie.
Le politologue palestinien Ossama Mégahed évoque une autre vision : « On ne doit pas en vouloir aux pays du Printemps arabe. Leur éloignement de la cause palestinienne s’explique : ils subissent assez de dégâts et de perturbations en ce moment. Au contraire, il ne serait pas normal qu’ils revendiquent leur soutien en ces moments délicats pour eux ». Il ajoute : « Il faudrait plutôt s’en prendre aux pays qui ne cherchent que leurs intérêts personnels, tels ceux du Golfe ou de la Jordanie, et qui tentent de gagner du terrain chez les Américains même si c’est contre des Palestiniens ».
Où est la Ligue arabe ?
Mais si tous ces pays qui souffrent de problèmes internes ne trouvent pas de temps à consacrer à leur voisine palestinienne, qu’en est-il de la Ligue arabe qui, elle, a pour mission de se placer en premier plan sur cette question ? « La Ligue arabe apporte son soutien politique à la partie palestinienne (…). Nous doutons des intentions d’Israël qui veut entraîner ces négociations dans un cercle vicieux », a déclaré le secrétaire général adjoint de l’organisation panarabe, chargé des affaires palestiniennes, Mohamad Sobeih, après l’accord pour la reprise des négociations avec Israël.
Pour Mégahed, « La Ligue arabe n’a jamais été assez efficace pour la cause palestinienne. Donc, rien n’a changé. Elle a toujours été et restera superficielle dans ses déclarations. Son rôle se limite à soutenir les décisions du Conseil de sécurité et des Américains ».
Qu’on le veuille ou non, les Palestiniens sont aujourd’hui le grand perdant de la vague du Printemps arabe. Le soutien arabe à la Palestine reste nécessaire, mais son attente devient difficile.
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