Les participants à la rencontre de Bouznika sont parvenus à un accord préliminaire sur des questions-clés, notamment l'organisation d'élections et l'unification des deux gouvernements rivaux.
Après de longues discussions acharnées, les délégations du Haut Conseil d’Etat libyen et du parlement de Tobrouk réunies à Bouznika, au Maroc, du 6 au 10 septembre sont parvenues à un accord préliminaire sur des questions-clés, notamment l’organisation d’élections et l’unification des deux gouvernements rivaux, ainsi que sur les critères de nomination des dirigeants des institutions-clés. Les deux parties ont promis de se retrouver durant la dernière semaine du mois de septembre pour parachever leur entente. « Les discussions ont abouti à des compromis importants, notamment l’établissement de normes claires pour éradiquer la corruption et le gaspillage des fonds publics et mettre fin à l’état de division institutionnelle », a affirmé Mohamed Khalifa Najm, représentant du Haut Conseil d’Etat libyen. Quant à la délégation de Tripoli, son chef a affirmé que l’accord est basé sur le partage de postes-clés et les nominations au sommet des institutions-clés de la Libye. Par exemple, la nomination des dirigeants de la Banque Centrale libyenne, de la Société nationale pétrolière et des forces armées et sécuritaires.
En effet, les discussions de Bouznika visaient à modifier l’article 15 de l’Accord de Skhirat, lequel article porte sur les postes-clés. Selon cet article, le parlement doit faire des concertations avec le Conseil d’Etat pour parvenir à un consensus sur les personnes occupant les postes de direction de ces postes-clés : le gouverneur de la Banque Centrale, le président de la Cour des comptes, le président de l’Instance de contrôle administratif, le président de l’Instance de lutte contre la corruption, le président et les membres de la haute instance des élections, le président de la Cour suprême et le procureur général. L’un des principaux objectifs des pourparlers de Bouznika était l’unification des institutions de l’Etat. Le mécanisme identifié est fondé sur la répartition des postes entre les trois régions (La Tripolitaine, Fezzan et la Cyrénaïque). Il s’agit d’éviter d’accorder deux postes importants à une région. Selon l’accord, un autre article sera changé, celui qui porte également sur la composition du Conseil présidentiel en réduisant le nombre de ses membres de 9 à 3.
Pourtant, des voix se sont vite élevées à l’est comme à l’ouest pour critiquer les discussions du Maroc, certains arguant que l’accord de Skhirat est caduc. Mohamad Al-Abani, député de l’Est libyen, a écrit sur sa page Facebook que la tentative de réanimer Skhirat est « illégale, car le parlement ne reconnaît plus cet accord ». D’autres responsables, à l’est comme à l’ouest, réclament le départ de tous les mercenaires avant toute reprise de dialogue. Des voies protestent aussi contre le choix de certains représentants envoyés au Maroc. A l’est, on affirme que les députés présents ne sont pas connus et « ne représentent pas le peuple libyen ». A l’ouest, 24 membres du Haut Conseil de l’Etat accusent leur président Khaled Al-Michri de prendre des décisions unilatérales. Al-Michri a affirmé lui-même que les décisions des deux délégations ne sont pas contraignantes et n’engagent personne tant qu’elles n’ont pas été entérinées par les deux chefs du parlement et du Haut Conseil de l’Etat.
Des réactions attendues, estime Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. « Le changement de position est prévisible, cela dit, l’accord a été signé et la communauté internationale va s’y accrocher. Américains et Européens exercent de fortes pressions sur les différents camps. Mais la route de la paix est semée d’embûches, car il n’y pas uniquement des divergences entre les différents camps, mais au sein même de chaque partie », dit-elle. A titre d’exemple, elle cite les différends entre le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA, ouest), Fayez Al-Sarraj, et son ministre de l’Intérieur, Fethi Bashaga, qu’il a limogé, puis rappelé à son poste suite à des manifestations. « Le camp de Sarraj est divisé en quatre forces, chacune d’entre elles est soutenue par une milice armée. La première est contrôlée par Sarraj, la deuxième par Bashaga, la troisième par les Frères musulmans et la quatrième par la Turquie », explique-t-elle.
Phase transitoire
Dans le même temps, des consultations ont eu lieu à Montreux (Suisse) du 7 au 9 septembre sous les auspices des Nations-Unies, pour décréter un cessez-le-feu et aménager des zones démilitarisées à Syrte (nord) et Al-Jufra (centre). Cette réunion a recommandé de mettre en place une phase transitoire de 18 mois en Libye, durant lesquels se tiendront des élections présidentielle et législatives sur la « base d’un cadre constitutionnel qui fera l’objet d’un accord de tous ». Selon le document final, cette phase débutera par la recomposition du Conseil présidentiel et la création d’un gouvernement d’union nationale qui représente toutes les parties et qui consacrera ses efforts pour réunir les conditions nécessaires à la tenue d’élections nationales.
Autant d’efforts qui visent à parvenir à un règlement à la crise libyenne. Des gestes positifs, certes, mais qui doivent être consolidés par davantage d’efforts. « Les Libyens doivent profiter du soutien de la communauté internationale pour sauver leur pays. Sinon, le pays restera menacé toujours par les milices armées (plus d’une centaine en Libye) et dans un état de quasi-guerre civile, ou, au mieux, dans un état de délabrement total et de ni paix, ni guerre », conclut Mona Soliman.
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