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L’émigration, un phénomène social aux conséquences politiques

Amani Gamal El Din, Lundi, 20 juillet 2020

Peuple d’émigration par excellence, les Libanais sont de plus en plus nombreux à être candidats au départ. Une tendance lourde de conséquences.

Depuis octobre dernier, rien ne va plus au Liban. La crise, qui avait atteint un niveau sans précédent, s’est amplifiée avec les conséquences du Covid-19, et le chômage touche actuellement 35 % de la population active. Avec toutes les conséquences sociales qui s’ensuivent. Tous ces ingrédients, qui ont amené plusieurs Libanais au suicide ces derniers jours, exacerberont certains problèmes sociaux majeurs, comme l’émigration. Déjà en 2019, le nombre d’émigrés avait atteint 61 924 contre 41 766 en 2018, soit une hausse de 42 % par rapport à l’année précédente, indique le quotidien Asharq al-Awsat, qui paraît à Londres, dans son édition du 20 juin 2020. Ce qui est alarmant pour un pays où le nombre d’habitants ne dépasse pas 6,8 millions (4 millions de Libanais, les deux autres des réfugiés palestiniens et syriens).

L’émigration au Liban date de très longtemps et a connu plusieurs vagues. La première de 1860 à 1914, la seconde de 1919 à 1974, la troisième de 1975 à 2000 qui correspond à la guerre civile et qui a connu le plus grand nombre d’émigrés, la quatrième et la dernière continue jusqu’à nos jours. Un phénomène aux conséquences importantes : « Il y a une véritable fuite des cerveaux. Ce sont les mieux éduqués et diplômés qui partent. Ceux qui restent sont les moins performants », indique Rabha Allam, spécialiste des affaires du Liban au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Elle met aussi en avant un problème encore plus aigu pouvant découler du phénomène, celui d’un bouleversement de l’équilibre communautaire. Certes, les chiffres ne reflètent pas l’appartenance confessionnelle des émigrants. « La classification des émigrants suivant leurs confessions n’a pas été faite depuis 1938, c’est-à-dire depuis la fin de la colonisation française. La plupart des émigrants sont des chrétiens qui se déplacent vers les Etats-Unis et l’Europe, et les sunnites vont en Australie et aux pays du Golfe. Ce qui fait pencher la balance en faveur des chiites : ils deviennent majoritaires à l’intérieur du Liban ». Un constat relevé par l’article du journal Asharq al-Awsat dans l’édition du 20 juin 2020, dans lequel il a été assuré que des références chrétiennes craignent le recul des chiffres des chrétiens de confession libanaise.

Or, un recensement correct selon la confession portera préjudice aux calculs politiques. Selon Allam, les chiites ont des demandes de changer la représentation de façon à refléter leur majorité. « Ces demandes seront mises en avant et revendiquées avec force », assure-t-elle. Une crise de pouvoir pourrait éventuellement émerger si ces nouvelles données sont prises en compte avec pour principaux acteurs les chiites et le Hezbollah. Et ce, à l’heure où le mode de gouvernance confessionnelle est de plus en plus fragilisé non seulement pour des raisons internes mais également externes.

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