Al-Ahram Hebdo : Le dernier sommet G5 Sahel, tenu à Nouakchott le 30 juin, a vu une assez large participation européenne. Cela signifie-t-il que la menace terroriste dans le Sahel est plus importante ?
Amani El-Taweel : Plusieurs dirigeants européens ainsi que des organisations internationales et régionales comme l’Onu et l’Union Africaine (UA) ont, en effet, participé à ce sommet, soit par une présence physique, soit par vidéoconférence. L’Espagne par exemple, dont le premier ministre, Pedro Sanchez, était sur place, est consciente que sa sécurité est liée à celle de la région du Sahel. Etant le pays européen le plus proche de l’Afrique du Nord, l’Espagne a commencé il y a cinq ans à s’impliquer davantage dans la lutte antiterroriste. Même un pays comme l’Allemagne, géographiquement plus éloigné, se penche sérieusement sur la question. La chancelière Angela Merkel a participé au sommet par visioconférence. Mais Berlin a une vision quelque peu différente de la lutte antiterroriste : l’Allemagne privilège davantage le développement et les investissements en Afrique pour résoudre les racines du problème. Plus généralement, l’Europe est consciente que la menace terroriste n’est pas loin d’elle, notamment avec l’aggravation de la situation sécuritaire de la Libye, proche géographiquement des Européens, surtout de l’Italie. Une action plus efficace est donc nécessaire.
— Justement, bien que le chaos libyen représente une vraie menace, pourquoi la France est-elle le seul pays européen à s’investir dans cette question ?
— La France sait que ce qui se passe en Libye va dangereusement affecter toute la région. La poursuite du conflit et l’instabilité vont transformer la Libye en une plaque tournante du terrorisme. Mais la France défend aussi ses intérêts sur le continent africain, où elle est très présente. De même, l’Afrique est la source essentielle des matières premières tel l’uranium et d’autres pour la France.
— Pour que le G5 Sahel soit plus efficace et apte à affronter la menace terroriste, une recommandation a été prise, lors du sommet, visant à augmenter le nombre de cette force. Est-ce suffisant ?
— Certes, c’est un pas important et nécessaire. Mais d’autres mesures doivent aussi être prises. La France doit s’orienter vers plus de soutien technique, logistique et militaire aux armées des pays du Sahel, et pas seulement au G5 Sahel. De plus, il faut qu’il y ait non seulement une coopération entre les pays du Sahel, mais aussi avec les grands pays de la région qui ont une expérience dans la lutte antiterroriste comme l’Egypte. Cette dernière a tenté de créer une sorte de coopération militaire africaine dans la lutte antiterroriste, ceci en invitant, en 2015, 25 ministres africains de la Défense afin de collaborer aux efforts antiterroristes.
— Le G5 Sahel a été créé en 2014 pour qu’il prenne le relais de la lutte antiterroriste dans la région, pourtant, les défis restent grands …
— Le problème est que le G5 Sahel n’agit pas seul et que le rôle de la France et d’autres intervenants fait toujours face à un refus populaire. Les sociétés africaines rejettent l’existence étrangère dans leurs pays et la considèrent comme une nouvelle colonisation, elle est aussi parfois considérée comme un fauteur de troubles entre les différentes communautés. Surtout, il faut prendre en considération d’autres volets aussi importants que l’approche militaire qui, seule, ne suffit pas à éradiquer le terrorisme. Il faut apporter des solutions aux racines du phénomène qui se nourrissent sur la pauvreté, l’ignorance et le chômage. Donc, se concentrer plus sur le développement dans tous les domaines est la bonne solution qui doit être parallèle aux solutions militaires.
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