
Saleh et Lavrov ont discuté des mécanismes permettant l'application des décisions issues de la Conférence
de Berlin et de la Déclaration du Caire.(Photo : AP)
Alors que la situation reste extrêmement tendue sur le terrain, les différents acteurs de la crise tentent, chacun de son côté et à sa manière, de s’imposer. Faisant fi des appels à une solution politique, la Turquie poursuit son soutien flagrant au Gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez Al-Sarraj. Vendredi 3 et samedi 4 juillet, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, s’est rendu à Tripoli où il a rencontré des responsables du GNA. Le responsable turc a mené des discussions afin d’installer deux bases en Libye, notamment à Al-Watiya, la plus importante base aérienne de l’ouest libyen. Akar a indiqué que la Turquie continuerait de « soutenir » ses frères libyens. « Vous avez raison et vous allez gagner », a-t-il assuré. Des déclarations qui témoignent que la position turque n’est pas près de changer et qu’Ankara entend poursuivre son intervention militaire en Libye, quelles qu’en soient les conséquences. La Turquie, inculpée de s’ingérer dans les affaires libyennes, continue d’apporter au GNA un soutien de taille avec ses frappes aériennes et ses attaques de drones contre les circuits d’approvisionnement de l’armée nationale, dans le conflit qui oppose le GNA à l’Armée National Libyenne (ANL) dirigée par le maréchal Khalifa Haftar.
Un interventionnisme fustigé par de nombreuses puissances mondiales, notamment la France. Dans un entretien avec Fayez Al-Sarraj, jeudi 2 juillet, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a appelé à un cessez-le-feu et l’arrêt des « ingérences étrangères » en Libye, exprimant « les inquiétudes de son pays quant à la situation tendue en Libye, assurant que les efforts de la France visent à rétablir la stabilité en Libye ». En guise de réponse, Sarraj a dit : « Les initiatives politiques en cours n’ont pas pour objectif de trouver une solution à la crise », selon un communiqué. De quoi garder la tension extrême entre Paris et Ankara. Paris a plusieurs fois répété que l’ingérence de la Turquie entraîne une escalade des tensions. La France a même décidé suspendre sa participation à une opération de l’Otan en Méditerranée. « La France va se retirer temporairement de l’opération de sécurité maritime de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Méditerranée, jusqu’à l’obtention de réponses à des demandes concernant ses frictions avec la Turquie », a fait savoir, mercredi 1er juillet, le ministère français des Armées, Paris jugeant l’Otan trop indulgente avec Ankara.
Or, si la Turquie poursuit de manière aussi effrontée son action en Libye, c’est justement à cause des timides réactions de la communauté internationale, que ce soit l’Otan, l’Onu ou les Etats-Unis. « La Turquie n’aurait pas agi de la sorte sans une approbation directe ou implicite de Washington », explique Amira Abdel-Halim, experte des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « La Turquie intervient en Libye pour mettre en oeuvre des plans américains en échange de certains intérêts, notamment au sujet du gaz », pense-t-elle.
De l’autre côté, le président du parlement de l’est libyen, Aguila Saleh Issa, poursuit ses efforts pour parvenir à une pacification du pays. Il s’est récemment rendu à Genève pour exhorter la mission des Nations-Unies en Libye à mettre en oeuvre l’initiative du Caire pour résoudre la crise libyenne. En outre, Saleh a mené des pourparlers à Moscou avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et a discuté des mécanismes pour arrêter les combats et appliquer les décisions issues de la Conférence de Berlin, tenue en janvier dernier, et de la Déclaration du Caire, une initiative de paix lancée par l’Egypte le 6 juin. Saleh a affirmé, dans des déclarations à la chaîne d’information Libya Al-Hadath, que les autorités légitimes en Libye — représentées par le Commandement général (l’ANL), la Chambre des représentants et le gouvernement libyen — ne sont pas des partisans de la guerre, mais de la sécurité et de la stabilité. De son côté, s’exprimant lors de sa rencontre avec Saleh, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rappelé que la Russie prônait une cessation des hostilités et l’ouverture d’un dialogue politique.
Un dialogue pas impossible, mais difficile à tenir, selon Amira Abdel-Halim. « Le problème, c’est que chaque partie tente de s’imposer sur le terrain avant d’entamer des négociations », conclut-elle.
Lien court: