« Le Conseil de transition du sud annonce une règle d’administration autonome dans le sud à partir de minuit le samedi 25 avril 2020 et un comité d’autonomie commencera ses travaux sur la base d’une liste de tâches assignées par la présidence du conseil ». C’est ce qu’ont annoncé dans un communiqué publié dimanche 26 avril les séparatistes yéménites du Conseil de transition du sud (STC). La nouvelle est tombée alors que le Yémen est déjà empêtré dans sa guerre contre les rebelles houthis, mettant ainsi le gouvernement en mauvaise posture face à deux foyers de tension. En première réaction, le gouvernement yéménite du président Abd-Rabbo Mansour Hadi a d’ailleurs affirmé que cela aurait des « conséquences catastrophiques ». Quant à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, elle a rejeté, lundi 27 avril, cette déclaration d’autonomie et exigé « la fin de toute action entraînant une escalade » du conflit dans ce pays, plaidant pour un retour à l’accord de novembre dernier. Or, la déclaration des séparatistes du sud signifie qu’ils annulent l’accord de paix signé avec le gouvernement en novembre dernier. Les séparatistes, mobilisés depuis longtemps pour l’indépendance, avaient alors signé un accord de partage du pouvoir à Riyad qui mettait fin à une bataille pour le sud qui avait éclaté l’été 2019. L’accord portait sur un partage du pouvoir, des richesses et des ressources dans l’ensemble du pays. Mais depuis, l’accord n’a pas été appliqué et la situation s’est davantage aggravée. Le STC a d’ailleurs accusé le gouvernement ne pas avoir rempli ses obligations et d’avoir « conspiré » contre la cause du sud.
« Le conflit yéménite est compliqué. Même au sein de la coalition, il y a des différends. Tandis que l’Arabie saoudite soutient le gouvernement yéménite et l’aide militairement et financièrement, son partenaire, les Emirats arabes unis, soutiennent les Sudistes. Les Emirats ont voulu utiliser les Sudistes pour combattre les Houthis. Mais les autorités émiraties ont oublié que les Sudistes ont aussi leurs revendications et qu’ils feront tout pour atteindre leur objectif, à savoir une nouvelle division du pays (ndlr: le Yémen du Sud a existé en tant qu’Etat indépendant entre 1967 et 1990, année de la réunification du Yémen). Parvenir à un accord avec les séparatistes était un pas encourageant. La coalition arabe devait en profiter, mais les différends ont éclaté, ce qui a compliqué la situation », explique Dr Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire et à l’Université américaine du Caire.
La coalition mise à mal
Mais pourquoi les séparatistes rompent-ils l’accord de novembre dernier maintenant? Pour Fahmy, « ils veulent exercer une forte pression sur la coalition pour imposer leurs conditions une fois venu le temps des négociations ». Avis partagé par plusieurs analystes. Dr Mona Solimane, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, explique que les Sudistes craignent de perdre les gains qu’ils ont réalisés. « Ils ont attendu 6 mois mais l’accord n’a pas été appliqué. Alors, ils veulent profiter de la situation actuelle vu que chaque pays est occupé par la crise liée au coronavirus. Autre raison, selon certaines rumeurs, l’Iran a changé de stratégie et a décidé de soutenir les Sudistes pour accentuer la pression sur l’Arabie saoudite », estime l’analyste, qui explique que les Sudistes, qui étaient soutenus par les Emirats, sont bien armés. « La non-application de l’accord de novembre a donné l’occasion aux Iraniens de profiter de la situation pour gagner un point auprès des Sudistes, une stratégie qui vise à affaiblir la coalition arabe », développe de son côté Tarek Fahmy. En effet, la situation s’est compliquée en raison de la non-application dans les temps de mesures-clés de l’accord de Riyad, notamment la formation d’un nouveau gouvernement comprenant des représentants des Sudistes, ainsi que la réorganisation des forces militaires.
Peu après l’annonce de l’autonomie, un déploiement massif de forces du STC a été annoncé à Aden, une ville dont ils avaient pris le contrôle l’été dernier, avant la signature de l’accord de paix. Une source séparatiste a déclaré à l’AFP que des postes de contrôle avaient été établis « dans toutes les installations gouvernementales, y compris la Banque Centrale et le port », alors que des véhicules militaires sillonnent la ville avec des drapeaux du mouvement. Scénario déjà vécu en août 2019, lorsque des affrontements meurtriers avaient éclaté à Aden.
L’annonce du STC intervient alors que la coalition a prolongé un cessez-le-feu unilatéral dans son conflit avec les Houthis en vue de freiner la pandémie du Covid-19, et ce, bien que le cessez-le-feu ait été rejeté par les Houthis. De quoi compliquer le conflit, alors que la coalition avait auparavant opté pour une certaine alliance avec le STC pour l’aider à affronter les Houthis.
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