Une lourde tâche attend le nouveau premier ministre iraqien Allawi. (Photo : Reuters)
En dépit de la nomination de Mohammed Allawi, samedi 1er février, au poste de premier ministre, par le président Barham Saleh après des semaines de crise politique, et la démission de Adel Abdel-Mahdi, la pression de la rue continue en Iraq. Le choix de Allawi a été rejeté par le mouvement de contestation, malgré ses promesses de répondre à ses demandes. C’est ainsi que dimanche 2 février, des manifestations se sont déclenchées à Bagdad et dans plusieurs villes du sud de l’Iraq. Depuis décembre, après la démission de Adel Abdel-Mahdi, les manifestants antigouvernementaux demandent que son successeur soit indépendant du sérail politique, qu’ils accusent de corruption et d’incompétence. Dimanche, ils ont manifesté leur rejet du premier ministre désigné, un ancien ministre des Télécommunications qu’ils considèrent comme une partie intégrante du système qu’ils conspuent.
Le mouvement réclamait ces derniers jours des élections anticipées et un nouveau premier ministre indépendant, rejetant en bloc de nombreux noms évoqués pour ce poste, dont celui de M. Allawi. « Mohammed Allawi est rejeté par le peuple ! », proclame une pancarte fraîchement accrochée dans la ville sainte de Najaf, à environ 180 km au sud de Bagdad. Les axes routiers de la ville ont été bloqués samedi soir par des jeunes ayant mis le feu à des pneus, d’après le correspondant de l’AFP. Des manifestants ont aussi pénétré dans des bâtiments gouvernementaux pour demander leur fermeture et des étudiants ont démarré des sit-in. En effet, la place Tahrir, épicentre du mouvement de contestation à Bagdad, n’a pas reçu seulement les manifestations refusant la nomination du premier ministre. Les partisans de l’influent leader chiite Moqtada Sadr y sont venus en masse samedi, affichant leur soutien au premier ministre désigné.
Moqtada Sadr, l’un des acteurs politiques les plus puissants du pays, à la tête du premier bloc au Parlement, a apporté, dans un tweet, son soutien à Allawi: « Sa nomination est un pas dans la bonne direction ». Si le leader chiite a soutenu les contestataires au début, il a ordonné dimanche à ses partisans de coordonner avec les forces de sécurité pour rouvrir les routes et les écoles, prenant à contre-pied des protestataires. « La révolution doit redevenir plus sage et pacifique », a écrit Sadr sur Twitter. Ce message, cumulé à son tweet de soutien à M. Allawi, a été perçu comme une trahison par certains manifestants à Bagdad, qui ont scandé: « Nous sommes une révolution jeune et sans leader ! ».
Les promesses de M. Allawi
M. Allawi, 65 ans, a débuté sa carrière politique comme député après l’invasion américaine de l’Iraq en 2003 qui a provoqué la chute du dictateur Saddam Hussein, avant d’être nommé ministre des Télécommunications à deux reprises, entre 2006 et 2007, puis entre 2010 et 2012, dans le gouvernement de Nouri Al-Maliki. Il avait tenté de mettre en oeuvre des mesures anticorruption, mais a fini par démissionner à chaque fois, accusant M. Maliki de fermer les yeux sur ce fléau, dans un pays classé parmi les plus corrompus au monde. Lors de sa première déclaration à la télévision d’Etat samedi, Allawi a lancé des promesses qui répondent aux demandes du mouvement de contestation. Il a promis de former un gouvernement représentatif, de tenir des élections anticipées et de s’assurer que justice serait rendue pour les manifestants tués lors du mouvement de contestation, marqué par la mort de plus de 480 personnes, majoritairement des protestataires, selon un décompte de l’AFP. M Allawi a désormais un mois pour former son cabinet, qui devra être approuvé par un vote de confiance au Parlement. Sa mission sera donc difficile, car garantir son indépendance sera un défi majeur, selon Sajad Jiyad, du centre de réflexion iraqien Bayan Center. « Si nous devions retenir une chose du précédent premier ministre, c’est que sa tâche la plus difficile a été de repousser les demandes des blocs politiques », a-t-il dit à l’AFP. En Iraq, les gouvernements sont habituellement formés au terme de tractations entre partis, chacun réclamant des portefeuilles ministériels influents et lucratifs en fonction de son poids parlementaire.
Allawi fait en effet face au grand défi de former un gouvernement sur fond de profondes divisions au sein de la classe politique iraqienne, et sous l’oeil scrutateur des deux alliés de l’Iraq, les Etats-Unis et l’Iran, eux-mêmes ennemis. Selon l’expert Sajad Jiyad, si M. Allawi accepte les candidats proposés par les partis, « cela donnera raison aux manifestants » qui dénoncent son allégeance à la classe dirigeante l.
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