Réunis à Berlin, dimanche 19 janvier, dans un sommet sous l’égide de l’Onu, les dirigeants des principaux pays concernés par le conflit qui secoue la Libye se sont entendus sur plusieurs décisions destinées à restaurer la paix. Tout d’abord, les participants ont exhorté toutes les parties internationales à n’intervenir ni dans le conflit ni dans les affaires internes de la Libye. A cet égard, le respect et la mise en oeuvre de manière complète de l’embargo sur les armes décrété en 2011 par l’Onu étaient un point important approuvé par les participants. Ceux-ci ont insisté sur l’application de sanctions du Conseil de sécurité de l’Onu contre ceux qui violent dès aujourd’hui l’embargo (voir sous-encadré). « Nous appelons tous les acteurs à s’abstenir de tout acte susceptible d’exacerber le conflit y compris le financement des capacités militaires ou le recrutement de mercenaires, aux profits des différents belligérants en Libye », appelle ainsi le communiqué final.
A cet égard également, le président français, Emmanuel Macron, a demandé d’arrêter le renvoi des djihadistes de Daech et les combattants syriens sur les territoires libyens. Ces derniers ont été transmis par la Turquie, dont l’entrée en jeu a ravivé la crise ces dernières semaines.
Deuxième décision importante, tous les camps en conflit ont convenu d’appliquer le fragile accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 12 janvier. Or, cette trêve précaire demeure toujours incertaine : les deux rivaux directs, le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Al-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée Nationale Libyenne (ANL), ont refusé de se rencontrer à Berlin. Cependant, une rencontre entre des représentants militaires des deux camps devrait pouvoir se tenir dans les prochains jours pour trouver les moyens de transformer cet accord de cessez-le-feu en une trêve permanente. Ainsi, les participants ont appelé toutes les parties concernées à redoubler d’efforts pour une suspension durable des hostilités, la désescalade. La trêve doit être accompagnée par le repositionnement des armes lourdes, de l’artillerie et des avions afin de les regrouper dans des casernes, et mettre fin à toutes les mobilisations militaires, qu’elles soient soutenues directement, ou indirectement, par les parties au conflit, sur tout le territoire libyen et dans l’espace aérien. De même, le communiqué final appelle le Conseil de sécurité à imposer les sanctions appropriées à ceux qui violent les dispositions du cessez-le-feu et la formation d’une Commission militaire composée de dix officiers, cinq de chaque côté, avec pour mission de définir sur le terrain les mécanismes de mise en oeuvre du cessez-le-feu.
Or, alors même que se tenait la réunion de Berlin, la situation sur le terrain était tendue. Des escarmouches sont signalées presque quotidiennement, y compris le jour du sommet au sud de Tripoli par les milices du camp de Sarraj. A son tour, le camp Haftar a bloqué les exportations de pétrole libyennes, seule véritable source de revenus du pays, à la veille du sommet de Berlin. Dans ce contexte, le chef du GNA a demandé l’envoi dans son pays d’une force militaire internationale sous l’égide de l’Onu. Elle aurait pour mission de protéger la population civile. Une demande qui sera examinée au cours d’une prochaine réunion du Conseil de sécurité.
Réunion interlibyenne fin janvier
Principale avancée de la réunion de Berlin, les dirigeants de onze pays, à commencer par la Russie et la Turquie qui jouent un rôle-clé en Libye, ont souligné dans la déclaration commune qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit. Le communiqué appelle, en effet, au désarmement et au démantèlement des groupes armés et des milices en Libye, suivi par l’intégration de leurs membres dans les institutions civiles, sécuritaires et militaires du pays. L’Onu est invitée à appuyer ce processus. Le sommet appelle également toutes les parties libyennes à reprendre le processus politique global mené sous les auspices de la Mission de l’Onu en Libye (Manul) pour parvenir à une réconciliation interlibyenne. La Manul prévoit une réunion interlibyenne, fin janvier à Genève, pour la formation d’un gouvernement unifié qui aura pour charge de préparer des élections parlementaires et présidentielles.
Les participants ont souligné l’importance de l’unification des institutions libyennes, en particulier la Banque Centrale libyenne et la Compagnie nationale de pétrole (NOC). Ils ont appelé toutes les parties à garantir la sécurité des installations pétrolières et soulignent leur refus de toute tentative d’exploitation illégale des ressources énergétiques.
La déclaration finale du sommet de Berlin sera soumise en tant que résolution devant le Conseil de sécurité de l’Onu. Reste l’espoir que tous ces voeux pieux se transforment en concret. Mission difficile.
Les principaux points de la déclaration finale
— Cessation des ingérences extérieures :
Les participants s’engagent « à éviter d’intervenir dans le conflit armé en Libye ou dans les affaires internes de la Libye et exhortent toutes les parties internationales (...) à faire de même ».
— Respect de l’embargo sur les armes :
Les participants s’engagent à « respecter et mettre en oeuvre de manière complète l’embargo sur les armes » décrété en 2011. « Nous appelons tous les acteurs à s’abstenir de tout acte susceptible d’exacerber le conflit (...) y compris le financement des capacités militaires ou le recrutement de mercenaires », aux profits des différents belligérants en Libye. Les participants appellent à l’application des sanctions du Conseil de sécurité de l’Onu contre ceux qui « violent dès aujourd’hui » l’embargo.
— Cessez-le-feu :
Les participants appellent « toutes les parties concernées à redoubler d’efforts pour une suspension durable des hostilités, la désescalade et un cessez-le-feu permanent ». Les participants appellent le Conseil de sécurité à « imposer les sanctions appropriées à ceux qui violent les dispositions du cessez-le-feu ». Une « Commission militaire » composée de dix officiers, cinq de chaque côté, aura pour mission de définir sur le terrain les mécanismes de mise en oeuvre du cessez-le-feu.
— Dissolution des milices :
Le texte prévoit le désarmement et le démantèlement des groupes armés et des milices en Libye, suivi par l’intégration de leurs membres dans les institutions civiles, sécuritaires et militaires du pays. L’Onu est invitée à appuyer ce processus.
— Relance du processus de réconciliation :
Le sommet appelle « toutes les parties libyennes à reprendre le processus politique global », mené sous les auspices de la Mission de l’Onu en Libye (Manul) pour parvenir à une réconciliation interlibyenne. La Manul prévoit une réunion interlibyenne fin janvier à Genève, pour la formation d’un gouvernement unifié qui aura pour charge de préparer des élections parlementaires et présidentielles.
— Droits de l’homme et migrants :
Ils exhortent « toutes les parties libyennes au respect total du droit humanitaire international et des droits de l’homme ». Ils appellent à « mettre un terme aux pratiques de détention arbitraire et (...) à fermer progressivement les centres de détention des migrants et des demandeurs d’asile ».
— Economie et pétrole :
Les participants soulignent l’importance de l’unification des institutions libyennes, en particulier la Banque Centrale libyenne et la Compagnie nationale de pétrole (NOC). Ils appellent toutes les parties à garantir la sécurité des installations pétrolières et soulignent leur « refus de toute tentative d’exploitation illégale des ressources énergétiques » l
L'Egypte soutient un règlement global en Libye
« La réconciliation politique globale est la seule solution à la crise en Libye », a déclaré le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi, lors d’une réunion avec le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, en marge de la conférence de Berlin sur la Libye, selon un communiqué de la présidence égyptienne. Le président Sissi a insisté sur le fait que la position de l’Egypte sur la crise libyenne est claire depuis le début. L’Egypte soutient la dissolution des milices armées et le rétablissement de la stabilité, puis un règlement politique global. « L’Egypte ne traite pas avec les milices armées, mais uniquement avec les armées nationales », a déclaré le président Sissi.
Pour l’Egypte, la solution globale doit aborder tous les aspects de la question libyenne à travers des plans d’action politique, sécuritaire et économique clairs et spécifiques. Le Caire propose un plan détaillé qui inclut un mécanisme bien déterminé satisfaisant les parties en conflit ainsi que l’instauration d’un cessez-le-feu durable et sans conditions. Basé sur le plan de l’Onu et l’accord de Sokharat signé en 2015 mais resté lettre morte, les propositions égyptiennes insistent sur l’unification des institutions libyennes et la tenue d’élections présidentielles et législatives. Ces propositions ont été bien accueillies par les participants au sommet de Berlin.
Lien court: