Les manifestants sont déterminés à continuer leur protestation jusqu'à la réalisation de leurs revendications. (Photo : AFP)
La crise iraqienne entre-t-elle dans une nouvelle phase ? La question se pose plus que tout après que le grand ayatollah Ali Sistani eut appelé à des élections anticipées pour sortir de l’impasse. Un appel qui intervient alors que les divisions au sein de la classe politique restent entières. D’un côté, les pro-Iran alliés au chef du parlement Mohammed Al-Halboussi font pression pour faire accepter leur candidat. De l’autre côté, le bloc de Moqtada Sadr veut imposer un candidat. Entre ces deux, le président de la République, Barham Saleh, essaie de gagner du temps. Ce dernier a encore une carte en main : la Constitution l’autorise à décréter le poste de premier ministre vacant et à l’occuper de fait. « Le vrai problème est que chaque camp refuse de porter la responsabilité et veut protéger ses intérêts. Les deux principales autorités iraqiennes qui doivent choisir le futur premier ministre sont le président ou la Cour suprême. Mais ils se renvoient la balle. Le président a demandé au parlement de déterminer qui détient la majorité pour nommer le premier ministre, et le parlement n’a pas réussi à se mettre d’accord, puis il a demandé au président de le désigner lui-même », explique Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Elle poursuit : « Soumis à une forte pression iranienne, le président a décidé de lancer la balle à la Cour suprême. Or, cette dernière est elle aussi soumise à la pression de la rue et la classe politique. Elle a donc renvoyé la balle au président. Ce jeu prouve à quel point chaque partie craint d’assumer la responsabilité de choisir le premier ministre ou même de désigner le bloc parlementaire majoritaire ».
Ce jeu laisse aussi toutes les options ouvertes. Car, avec l’Assemblée la plus éclatée de l’histoire récente de l’Iraq, Saleh assure avoir déjà reçu trois réponses sur qui détient la majorité parlementaire. L’une émane des pro-Iran qui affirment avoir coalisé assez de partis au parlement pour présenter le ministre démissionnaire de l’Enseignement supérieur, Qoussaï Al-Souheil, au poste de premier ministre. Une autre de la liste du leader chiite Moqtada Sadr qui se dit la plus grande coalition, car elle est arrivée en tête aux législatives. Et une troisième, énigmatique, indique que la plus grande coalition est celle qui a nommé le premier ministre démissionnaire, Adel Abdel-Mahdi, qui n’avait été officiellement désigné par aucune coalition.
Conscient de la difficulté de la situation, le grand ayatollah Sistani a donc appelé de former un nouveau gouvernement qui devra uniquement préparer la voie vers des élections anticipées en votant une nouvelle loi électorale et en nommant une commission de supervision des scrutins non partisane. La loi électorale, unique réforme proposée par les autorités en deux mois et demi d’une révolte inédite, est bloquée au parlement. Les députés négocient pied à pied le découpage des circonscriptions et surtout la portion de scrutin proportionnel et de liste, à l’avantage des grands partis. « Les grands leaders religieux chiites Sistani et Sadr ont décidé de soutenir les manifestants, car la situation est critique et ce soutien leur garantit de ne pas perdre leur influence », conclut Dr Mona Soliman.
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