Samir Katib jette l'éponge ; Hariri semble de retour. (Photo : Reuters)
La classe politique libanaise patauge dans un véritable cercle vicieux. Alors que la rue demande son départ et réclame un gouvernement de technocrates, que les difficultés économiques s’accumulent et que le pays est quasi paralysé, la classe politique tourne en rond, incapable même de trouver un premier ministre. La difficulté est telle que les consultations parlementaires contraignantes ont dû être reportées. Fixées initialement à lundi 9 décembre — déjà bien en retard, car près de deux mois après le début de la crise et 6 semaines après la démission du premier ministre Saad Hariri —, ces consultations ont été reportées au 16 décembre. C’est dire la difficulté de la tâche. L’annonce a été faite dimanche 8 décembre au soir dans un communiqué présidentiel, quelques heures après que le candidat présent, dont le nom avait été révélé quelques jours auparavant, avait jeté l’éponge. Cette décision a été prise « à la demande de la plupart des blocs parlementaires pour permettre plus de délibérations », selon le communiqué. Plusieurs noms de favoris pour le poste ont circulé ces dernières semaines, tous rejetés par les manifestants qui réclament une équipe de technocrates et d’indépendants qui ne seraient pas issus du sérail politique. Le dernier en date, l’homme d’affaires Samir Khatib, s’est désisté dimanche 8 décembre. Il s’est exprimé après un entretien avec le plus haut dignitaire religieux sunnite du pays, le grand mufti Abdel-Latif Deriane. « J’ai été informé par le mufti qu’à l’issue de ses concertations avec les membres de la communauté musulmane (sunnite), un accord a été trouvé pour la désignation de Saad Hariri pour former le prochain gouvernement », a dit l’homme d’affaires, auquel Saad Hariri avait pourtant lui-même apporté son soutien. Le mufti de la République au Liban a expliqué à l’homme d’affaires que la communauté sunnite souhaitait que Saad Hariri, qui a annoncé sa démission le 29 octobre sous la pression de la rue, conserve son poste.
Hariri incontournable ?
Or, si M. Hariri bénéficie d’un « consensus » pour être reconduit à son poste, deux inconnues demeurent : M. Hariri acceptera-t-il d’être reconduit, lui qui avait assuré fin novembre qu’il ne souhaitait pas diriger le futur gouvernement ? Considéré comme le principal représentant du camp politique sunnite, dans un pays multiconfessionnel régi par un système politique censé garantir un équilibre entre les différentes communautés, Hariri est vu par de nombreux protagonistes politiques internes, avec à leur tête le tandem chiite Hezbollah-Amal qui refusait même la démission du gouvernement, comme la seule personnalité habilitée à sortir le pays de la crise. Et pour cause, il jouit auprès des donateurs de fonds, dont le Liban a grandement besoin pour surmonter sa crise économique et financière. D’ailleurs, Saad Hariri a plaidé vendredi 6 décembre pour une aide financière auprès de plusieurs pays arabes et occidentaux dans un contexte de crise aiguë au Liban. L’aide est réclamée sous la forme de « lignes de crédits afin de garantir la pérennité de la sécurité alimentaire et l’importation des matières premières pour la production dans divers secteurs ». Les pays concernés sont la France, l’Arabie saoudite, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l’Egypte et la Turquie, selon un communiqué du bureau du premier ministre sortant. La situation économique et financière, très précaire avant le début du mouvement de contestation, s’est nettement dégradée ces dernières semaines face à l’impasse politique, avec des restrictions bancaires croissantes, une pénurie de liquidités et de vives craintes d’une dévaluation de la monnaie nationale, indexée au dollar depuis 1997.
Deuxième inconnue : la rue acceptera-t-elle la reconduction de Saad Hariri ? Aussitôt après l’annonce de Samir Khatib de son propre retrait, quelque 200 personnes sont descendues dans la rue, malgré la pluie battante, pour manifester leur mécontentement, lançant des slogans, tel « Tu ne reviendras pas Hariri », selon l’Agence nationale d’information (Ani, officielle).
Cela dit, Saad Hariri semble bel et bien le candidat du fait accompli. Mais si son retour sur scène est plus que probable, le plus dur reste à faire. Hariri devra faire face à un double obstacle : comment surmonter les obstacles qui avaient entravé dès le départ sa reconduction, notamment son attachement à un gouvernement d’indépendants, sans figure politique, et son refus d’un cabinet techno-politique comme le souhaitent le Courant Patriotique Libre (CPL) du président Michel Aoun et le tandem chiite, mais aussi et surtout comment satisfaire la rue ?
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