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En Iraq, la crise risque de perdurer

Maha Salem avec agences, Mardi, 12 novembre 2019

Les principales forces politiques se sont mises d'accord pour des réformes, mais aussi pour mettre fin aux protestations. Les contestataires, eux, ne l'entendent pas de la même manière.

Après plusieurs jours de négociations acharnées, les principales forces poli­tiques iraqiennes se sont mises d’accord sur la nécessité de mettre en place des réformes pour satisfaire les manifestants et pour un retour à la vie normale. L’accord prévoit de maintenir le pouvoir en place, mener un plan de réformes économiques, politiques et sociales, lutter contre la corruption et effectuer des amende­ments constitutionnels. Le président Barham Saleh, le premier ministre, Adel Abdel-Mahdi, et le chef du parlement, Mohammed Al-Halboussi, réunis dimanche 10 novembre, ont assuré avoir interdit tout usage « inconsi­déré » de la force et des balles réelles. Mais cet accord a donné le feu vert aux forces de sécu­rité pour intensifier la répression et chasser les manifestants antigouvernementaux de plu­sieurs de leurs campements en Iraq.

Du côté de la classe politique, le premier ministre, Adel Abdel-Mahdi, fait désormais consensus parmi partis et hommes politiques. Barham Saleh et Adel Abdel-Mahdi, qui avaient cessé de se parler, se sont même mon­trés ensemble. Ceux qui avaient un temps poussé pour son départ, en tête desquels le leader chiite Moqtada Sadr, ont fait volte-face, notamment sous la pression de l’Iran voisin et de ses alliés à Bagdad. Samedi 9 novembre, le parlement a ouvert une nouvelle séance, après avoir été longtemps paralysé par les divisions. La majorité des forces politiques s’est donc entendue pour en finir avec des manifestations qui conspuent les dirigeants et le puissant voisin iranien, considéré comme l’architecte du sys­tème politique iraqien rongé par le clientélisme. Mais si la classe politique a réussi à s’entendre, le peuple n’entend pas la chose de la même manière. Et les analystes prévoient déjà que les annonces du gouvernement ne suffiront pas à finir avec le mouvement de contestation.

« Ce qui a été annoncé est loin d’être une ébauche de règlement. Au contraire, la situa­tion s’aggrave en Iraq, le système sécuritaire est sous le contrôle iranien. Les autorités insis­tent sur le fait d'utiliser la force pour réprimer les manifestations. Et la revendication pre­mière de ces derniers, à savoir la chute du régime, est loin d’être réalisée, car la classe politique iraqienne campe sur sa position et s’accroche bec et ongles au pouvoir », estime Mona Soliman, professeure de sciences poli­tiques à l’Université du Caire. Selon elle, si les protestataires poursuivent leur mouvement de contestation, la situation en Iraq sera pire que celle de la Syrie, « à moins que la communauté internationale n'exerce davantage de pression sur l’Iran pour qu'il n'intervienne pas dans les affaires intérieures de l’Iraq. Ce qui est diffi­cile à se réaliser ».

D’ailleurs, sur le terrain, le mouvement n’a pas connu de répit depuis sa reprise. Un mouve­ment de désobéissance civile bloque depuis plusieurs jours écoles, administrations et infras­tructures. Avec 1 jeune sur 4 au chômage et 1 habitant sur 5 vivant en dessous du seuil de pauvreté, les manifestants assurent qu’ils pour­suivront blocages et désobéissance civile tant qu’ils n’auront pas obtenu « leur part du pétrole » en Iraq, deuxième producteur de l’Opep. Le mouvement qui réclamait au départ emplois et services publics fonctionnels veut désormais une refonte totale du système poli­tique et un renouvellement complet des diri­geants.

Plan onusien

Face à cette situation, la mission de l’Onu en Iraq (Unami), qui craint un bain de sang dans le pays, a proposé, dimanche 10 novembre, un plan de sortie de crise. L’Unami réclame la libération de tous les manifestants arrêtés. La feuille de route de l’Unami pro­pose également un référendum sur une réforme constitutionnelle sous trois mois, une révision de la loi électorale sous deux semaines et de nouvelles mesures anticorrup­tion dans le 12e pays le plus corrompu au monde.

Tout ceci reste en deçà des revendications des manifestants qui réclament désormais la fin du système politique tel qu’il a été créé après la chute de Saddam Hussein en 2003. Ils veulent une nouvelle Constitution et une classe politique entièrement renouvelée. De son côté, Washington a appelé, dimanche 10 novembre, le gouvernement iraqien à organiser des élec­tions anticipées et à mener une réforme électo­rale. Il a également demandé de cesser la vio­lence contre les manifestants.

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