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En Tunisie, le spectre d’un parlement morcelé

Abir Taleb avec agences, Mardi, 08 octobre 2019

Les Tunisiens ont voté aux législatives du 6 octobre sans grand entrain. Les résultats officiels sont attendus ce mercredi. Mais le parlement s’annonce éclaté, augurant de négociations houleuses pour former un gouvernement.

En Tunisie, le spectre d’un parlement morcelé
Le taux de la participation aux législatives est faible, avec 41,3 % des voix. (Photo : AFP)

Deux partis rivaux, l’islamiste Ennahdha et Qalb Tounès, la formation du finaliste à la présidentielle incarcéré Nabil Karoui, ont tous deux assuré être arrivés en tête des législatives, tenues en Tunisie dimanche 6 octobre, les troisièmes depuis la chute de l’ancien président Zine Al-Abidine Ben Ali en 2011. Deux sondages publiés par des instituts tunisiens ont néanmoins estimé que le parti d’inspiration islamiste Ennahdha avait gagné le plus grand nombre de sièges, 40 sur 217, contre 33 à 35 pour le parti de M. Karoui. Les deux formations, qui ont revendiqué leur victoire devant la presse sans donner de chiffre, avaient toutefois exclu toute alliance durant la campagne.

Ces annonces ont été faites alors que les premiers résultats officiels ne sont attendus que ce mercredi 9 octobre, selon l’Instance en charge des élections (Isie). Seul le taux de participation a été pour l’heure rendu public par l’Isie : 41,3 %, bien en deçà des 68 % de 2014. Un faible engouement qui s’explique par le rejet des élites actuelles et qui a déjà été exprimé au premier tour de la présidentielle au premier tour des présidentielles, le 15 septembre dernier, mais aussi par le calendrier électoral : en raison du décès du président Béji Caïd Essebsi en juillet dernier, ce scrutin législatif a, en effet, eu lieu entre les deux tours d’une présidentielle anticipée qui a porté deux candidats de rupture au second tour, Kais Saied, un juriste austère et conservateur, et Nabil Karoui, un homme d’affaires controversé actuellement sous les barreaux (voir encadré).

Quelle coalition ?

Or, les résulats annoncés par Ennahda et Qalb Tounès rendent complexe, voire hypothétique, la mise sur pied d’une majorité, sinon d’une coalition viable. Si ces sondages se confirment, Ennahdha — bien qu’il revendique la victoire — a encore perdu du terrain et la nouvelle assemblée sera morcelée entre des partis hétéroclites peu enclins à négocier après une campagne à couteaux tirés. Quel que soit le gagnant donc, il lui sera difficile de rassembler une majorité, contrairement à 2014, lorsque le parlement s’était retrouvé partagé entre un parti présenté comme séculariste, Nidaa Tounès et Ennahdha, qui détenaient à eux deux une large majorité et s’étaient rapidement alliés. Nidaa Tounès, qui avait emporté les deux scrutins de 2014 (présidence de la République pour Béji Caïd Essebsi et celle du parlement pour Mohamed Ennaceur), a quasiment disparu de la scène politique. Cette cuisante défaite est notamment due à la dissension d’une partie des partisans de Nidaa Tounès qui se sont rangés derrière Tahya Tounès, le nouveau parti du chef du gouvernement actuel, Youssef Chahed. Une division qui n’a payé ni pour l’un ni pour l’autre : Chahed n’a obtenu que 7,5 % et son parti n’obtiendrait que 16 députés.

De nombreux novices devraient arriver au parlement. Parmi les nouveaux venus, le mouvement Karama de l’avocat islamiste populiste Seifeddine Makhlouf. L’avocate anti-islamiste Abir Moussi s’est également félicitée de l’entrée de son parti destourien libre au parlement, soulignant que « s’il y a un accord sans les Frères musulmans (en référence à Ennahdha), nous tendrons la main aux forces modérées ». A défaut, « nous resterons dans l’opposition », a-t-elle ajouté.

Le parti arrivé en tête disposera de deux mois pour dégager une majorité de 109 voix au parlement afin de former un gouvernement, le futur président de la République n’intervenant qu’en cas de blocage au terme de cette période. Une mission difficile, pour le moins que l’on puisse dire. Et qui sera suivie d'une autre non moins difficile : une fois formé, le gouvernement aura la lourde tâche de relancer l’économie et de résorber une dette paralysante.

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