La tension est montée d’un cran cette semaine en Libye, les forces de l’Armée Nationale Libyenne (ANL) du maréchal libyen Khalifa Haftar ont intensifé leurs combats pour pénétrer dans la capitale Tripoli, malgré les tentatives de la communauté internationale pour arrêter les combats et trouver une issue politique à cette crise. « Bien sûr que la solution politique reste l’objectif, mais, pour revenir à la politique, il faut d’abord en finir avec les milices. Le problème à Tripoli est d’ordre sécuritaire. Tant que des milices et des groupes terroristes y perdurent, il ne peut être résolu. La solution est de faire régner la paix et la sécurité à Tripoli, d’y ôter le poids que constituent les milices. Si celles-ci rendent les armes, alors il n’y aura même pas besoin de cessez-le-feu.
La tenue d’élections restait mon objectif, mais il faut qu’elles soient honnêtes et transparentes », a expliqué le maréchal Khalifa Haftar, pressé par de nombreux pays, dont la France, de cesser les combats qui font rage aux portes de Tripoli, tout en souhaitant une solution rapide et qualifiant de foutaises les propositions de son rival, Fayez Al-Sarraj, chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) qui lui demande de retirer ses troupes, Khalifa Haftar a assuré que ses combattants continuaient d’avancer vers Tripoli.
Dans le camp rival, Sarraj a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’y aurait pas de cessez-le-feu tant que les troupes de Haftar ne se retiraient pas vers leurs positions d’avant l’offensive, dans le sud et l’est du pays.
Positions figées
Aujourd’hui, les positions militaires des deux camps sont quasiment figées, notamment en banlieue sud. Depuis le début des combats, plusieurs livraisons d’armements aux deux camps ont été signalées en dépit de l’embargo sur les armes décrété par l’Onu pour ce pays depuis 2011.
Face à cette situation, l’émissaire de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, a mis en garde devant le Conseil de sécurité que la Libye était sur le point de tomber dans une guerre civile et elle sera longue, sanglante et pourrait conduire à la division permanente du pays. « La poursuite de ces combats peut conduire à la division permanente du pays », a prévenu Salamé.
En première réaction à ses paroles, le maréchal Haftar a accusé le médiateur onusien de devenir un médiateur partial dans le conflit. « La partition de la Libye, c’est peut-être ce que nos adversaires veulent. C’est peut-être ce que Ghassan Salamé souhaite aussi. Salamé multiplie les déclarations irresponsables. Ce genre de propos révèle qu’il y a une opinion commune chez ces gens-là, qui parlent de partition et de conflits entre tribus. Mais, encore une fois, cette division est impossible car les Libyens resteront unis et la Libye restera un seul peuple. Tout le reste n’est que chimères », a ajouté le maréchal dans un entretien à l’hebdomadaire français Le Journal du Dimanche.
Un rôle français ?
Essayant de trouver un compromis pour arrêter ces combats, le président français, Emmanuel Macron, a reçu à Paris le maréchal Haftar mercredi 22 mai pour le pousser à reprendre le processus politique pour sortir le pays du chaos. Il a demandé à l’homme fort de l’Est de la Libye qu’une cessation des hostilités intervienne le plus tôt possible, tout en reconnaissant que la défiance entre les acteurs libyens est plus forte que jamais et on voit bien l’impasse entre le souhait de la communauté internationale pour une cessation des hostilités et la manière de voir du maréchal Haftar.
Ce dernier a annoncé que les conditions n'étaient pas réunies en Libye pour un cessez-le-feu. « Le maréchal a longuement expliqué et justifié l’offensive militaire qu’il a lancée début avril sur Tripoli pour lutter contre les milices privées et les groupes radicaux dont l’influence grandit dans la capitale », selon la présidence française, qui a ajouté que le maréchal a présenté à M. Macron la situation sur le terrain comme étant en progrès et en dynamique et qu’il consolidait progressivement ses positions.
Après cette rencontre, l’Elysée a annoncé que la diplomatie française serait très active dans les prochaines semaines pour essayer de favoriser une solution « même si nous ne sommes pas naïfs face à une situation délicate et difficile à décrypter ». Elle maintiendra pour cela un dialogue constant avec l’Onu, l’Italie, ancienne puissance coloniale, les autres capitales européennes, Washington et les acteurs régionaux.
En effet, toutes les parties sont conscientes que le règlement n’est pas proche. « Un cessez-le-feu semble toujours loin de voir le jour, car les deux côtés rivaux campent toujours sur leurs positions. Fayez Al-Sarraj, chef du GNA, a annoncé à plusieurs reprises que le cessez-le-feu en Libye ne pouvait se faire sans le retrait des forces du maréchal Khalifa Haftar. Les combats vont donc se poursuivre et cette guerre sera longue et difficile », estime Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. Selon l’analyste, « la fin du conflit dépendra d’un côté sur la capacité des milices à faire face aux forces de Haftar et de l’autre côté, de la puissance de Haftar et sa capacité à conclure des ententes avec les différentes tribus et factions ».
Quant au rôle de la communauté internationale, ajoute Mona Soliman, celle-ci doit exercer une forte pression sur les deux camps. Or, dit-elle « certaines parties internationales veulent maintenir un certain équilibre de force dans ce pays pour protéger leurs intérêts. Ce qui explique les livraisons d’armes étrangères malgré l’embargo de l’Onu. Par ailleurs, il est très difficile de convaincre un des deux camps de céder et de sacrifier les acquis qu’ils ont gagnés ».
Depuis le début de l’assaut des forces du maréchal Haftar le 4 avril dernier, les combats ont fait 510 morts et 2467 blessés, selon un bilan communiqué lundi par l’Organisation mondiale de la santé. Selon l’Onu, plus de 75 000 personnes ont aussi été obligées de fuir et plus de 100000 autres sont prises au piège des combats aux abords de Tripoli .
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