Al-ahram hebdo : 4 ans environ depuis le déclenchement de la guerre au Yémen, comment évaluez vous la situation sur le terrain à l’heure actuelle ?
Saleh Al-Nakheï : A mon avis, la situation va de mal en pis, essentiellement à cause de l’intervention de certaines grandes puissances et de l’Onu. Plusieurs résolutions internationales ont été promulguées appelant à des négociations avec les Houthis à chaque fois que la bataille était tranchée pour leur profit. Ce qui leur donnait une opportunité de regagner du terrain et de rassembler leurs forces. Le peuple yéménite est celui qui continue à endurer les séquelles de cette guerre qui est encore enflammée et qui n’est pas sur le point de prendre fin. Malheureusement, les milices houthies contrôlent les destinées du peuple yéménite et barrent la route à l’acheminement des aides et les spolient comme ils l’avaient fait avec les réserves étrangères de la Banque Centrale. De plus, l’économie yéménite a été frappée au coeur et la monnaie locale a été dévaluée à des taux sans précédent. Le niveau de vie des citoyens a considérablement baissé à cause de la hausse des prix. Les conditions sécuritaires ont aussi connu une détérioration dans les régions contrôlées par les Houthis soutenus par l’Iran. La détérioration est telle que certains experts prévoient une famine d’autant que le pays connaît une crise alimentaire importante. Selon les statistiques de la Banque mondiale, la moitié des habitants yéménites vit en dessous du seuil de pauvreté et le nombre des citoyens qui ont besoin d’une aide humanitaire atteint 14 millions, dont un million et demi d’enfants.
— Le meurtre de Ali Abdallah Saleh avait été perçu par certains experts comme un événement crucial susceptible de changer le cours de la guerre au Yémen, mais rien n’en fut, que pensez vous ?
— Le meurtre de Ali Abdallah Saleh n’a absolument rien changé. Les coalitions qu’il avait conclues avec les Houthis étaient d’ordre purement tactique. Chacune des parties cherchait ses propres intérêts. Saleh voulait revenir à la gouvernance à travers l’arsenal qu’il possédait. Mais, une fois qu’il a annoncé la fin du partenariat avec les Houthis, ils l’ont pris au dépourvu alors qu’il était dans un état de faiblesse.
— Quelle est donc la solution selon vous, et comment le Yémen peut-il sortir de la crise humanitaire qui y sévit actuellement ?
— Il n’existe aucune solution. La fin de cette situation fâcheuse et cette crise humanitaire ne se fera que s’il y a une victoire contre les Houthis et un retour du gouvernement légitime à Sanaa. Il faut que les interventions iraniennes s’arrêtent et surtout le financement qu’ils apportent aux Houthis. Ces derniers sont appelés à déposer leurs armes à l’armée régulière yéménite.
— Vous parlez d’une solution par les armes, alors il y a un certain consensus sur le fait que seule une solution politique soit possible. Cela dit, les efforts onusiens déployés semblent avoir atteint une impasse ...
— Oui ! A mon avis, la guerre ne sera tranchée que sur le terrain de la bataille. Quant aux appels aux négociations de paix avec les Houthis, ils relèvent de l’impossible parce que les Houthis vont violer n’importe quel accord qui ne sera pas en sa faveur. Nous avons essayé à maintes reprises la voie des négociations, mais ils ne s’engagent jamais aux accords.
— Oui, mais la communauté internationale doit tout de même jouer un rôle dans le règlement ...
— La communauté internationale et la Ligue arabe sont appelés à faire pression sur l’Iran pour qu’il arrête son marchandage au Yémen avec les Houthis. Il est attendu également d’eux de soutenir le gouvernement légitime et les pays de la coalition, afin de trancher la bataille avec les Houthis.
— Vous avez cité la Ligue arabe qui, justement, vient de tenir un sommet en Tunisie. La position arabe est-elle à la hauteur de vos attentes ?
— Il est nécessaire que les Arabes s’alignent aux côtés de la légitimité et s’érigent contre les ingérences iraniennes et le soutien de Téhéran contre les Houthis. L’on s’attend à ce qu’une position décisive soit prise vis-à-vis de ces interférences iraniennes qui oeuvrent constamment à reproduire au Yémen un nouveau modèle du Hezbollah au Liban.
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