Les forces de l'Armée nationale libyenne sont stationnées près de Tripoli. (Photo: Reuters)
Contrairement à toute attente, le maréchal Khalifa Haftar a lancé, jeudi 4 avril, une grande offensive pour conquérir la capitale Tripoli et étendre son emprise dans l’ouest. La capitale est tenue par les forces du Gouvernement d’union nationale (GNA), de Fayez Al-Sarraj, et par diverses milices libyennes. L’Armée Nationale Libyenne (ANL), dirigée par Khalifa Haftar, contrôle l’est du pays. Les violents combats qui opposent les forces de l’ANL aux troupes du GNA ont fait rage au sud de Tripoli, en particulier à Wadi Rabi et dans le périmètre de l’aéroport international, fermé depuis sa destruction par des combats en 2014. Lundi 8 avril, l’ANL a déclaré avoir pris le contrôle du camp d’Al-Yarmouk, au sud de la capitale. De son côté, le GNA a annoncé maintenir son contrôle de l’aéroport de Tripoli. Essayant de sauver son camp, Sarraj a affirmé que des soutiens affluaient de toutes les régions du pays, pour soutenir les forces du GNA, que son porte-parole vient de proclamer comme le début d’une contre-offensive nommée « Volcan de la colère pour nettoyer toutes les villes libyennes des agresseurs ».
Ces déclarations ont été lancées après que le groupe armé de Misrata, la « Brigade 166 », est arrivé dans l’est de Tripoli avec des dizaines de véhicules armés, notamment de canons antiaériens. Ainsi, les puissants groupes armés de la ville de Misrata (200 kilomètres à l’est de Tripoli) semblent avoir décidé de participer à la défense de la capitale et de soutenir les forces de Fayez Al-Sarraj. Ce dernier a accusé le maréchal Haftar d’oeuvrer à saper le processus politique, pour plonger le pays dans un cycle de violence et de guerre destructrice. De son côté, le président de la Chambre des représentants, Akila Saleh, a déclaré soutenir l’armée libyenne, affirmant que les opérations qu’elle mène aux alentours de Tripoli visent des milices armées, qu’elles sont conformes à la Constitution et qu’elles se poursuivront jusqu’à la libération totale de Tripoli des milices armées. Une déclaration faite suite à une rencontre entre Akila Saleh et le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit, dimanche 8 avril au Caire.
Sur le terrain, la situation risque de s’aggraver. Cette offensive marque une nette dégradation entre les deux entités se disputant le pouvoir. La communauté internationale a appelé à la cessation des hostilités, et Washington a appelé à l’arrêt immédiat de tout combat. Mais aucune action n’a été prise. Les grandes puissances ne sont pas parvenues à se mettre d’accord avec l’Onu sur une position commune concernant la crise libyenne. « Il faut noter que les forces de Sarraj ne sont pas l’armée libyenne, ce sont des milices bien armées et bien équipées. Les brigades de Misrata sont les plus fortes et les plus puissantes de toute la Libye. Elles possèdent la majorité des armes de Muammar Kadhafi et son arsenal aérien. Alors ces combats ne seront ni faciles ni rapides », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. Et de poursuivre : « Haftar est conscient que l’offensive contre la capitale est difficile et s’achèvera par un règlement politique et non pas par les combats. Haftar a choisi de mener cette offensive pour devenir le plus puissant, et au moment des négociations, il aura la mainmise pour imposer ses revendications et ses conditions. Cette offensive était inattendue, car les deux hommes Haftar et Sarraj avaient conclu fin février, à Abu-Dhabi, un accord pour former un gouvernement unifié et portant sur l’organisation d’élections avant la fin de l’année ». Selon certains observateurs, le maréchal Haftar et l’ANL, qui tablaient sur une victoire rapide en nouant des alliances avec des factions de la Tripolitaine, nom donné aux régions occidentales de la Libye, semblent surpris par la mobilisation pro-GNA.
Conférence nationale
Ces violences interviennent avant une conférence nationale sous l’égide de l’Onu à Ghadamès (sud-ouest) et censée dresser une feuille de route, avec la tenue d’élections. L’émissaire de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, a assuré que cette conférence était maintenue aux dates prévues, du 14 au 16 avril, sauf en cas de circonstances majeures. « La communauté internationale attendait la tenue de cette conférence pour imposer un règlement politique sur la Libye et en finir avec cette crise qui menace ses intérêts. Mais, elle va soutenir celui qui va protéger au mieux ses intérêts et avec qui elle aura de bonnes relations », affirme Dr Mona Soliman.
A l’Onu, la Russie a bloqué dimanche l’adoption d’une déclaration du Conseil de sécurité qui aurait appelé les forces du maréchal Haftar à arrêter leur avancée vers Tripoli. La délégation russe avait demandé que la déclaration formelle du Conseil appelle toutes les forces armées libyennes, et pas seulement celles du maréchal Haftar, à cesser leurs opérations. Cette proposition russe de modification ayant été rejetée par les Etats-Unis, la Russie s’est opposée à l’adoption de la déclaration. Pour sa part, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a critiqué explicitement l’offensive des forces du maréchal Haftar. « Les Etats-Unis, avec leurs partenaires internationaux, continuent à presser les dirigeants libyens de revenir aux négociations politiques sous la médiation du représentant spécial du secrétaire général (de l’Onu), Ghassan Salamé », a déclaré Pompeo. « Une solution politique est la seule manière d’unifier le pays et de fournir un plan pour la sécurité, la stabilité et la prospérité pour tous les Libyens », a encore déclaré le chef de la diplomatie américaine.
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