Les Algériens ont manifesté pour le 6e vendredi consécutif. (Photo : AP)
Comment se fera la transition en Algérie ? Telle est la question qui s’impose aujourd’hui, alors que chaque jour apporte son lot de surprises. Lundi 1er avril, au lendemain de la formation d’un nouveau gouvernement, la présidence algérienne a annoncé que le président Abdelaziz Bouteflika allait démissionner avant l’expiration de son mandat, le 28 avril. Avant sa démission, il prendra des « mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’Etat durant la période de transition », a indiqué la présidence dans un communiqué. Mais ni la date de la démission ni la nature de ces décisions n’ont été précisées. Selon la Constitution, une fois sa démission actée, c’est le président du Conseil de la Nation, la Chambre haute du parlement, Abdelkader Bensalah, 77 ans, qui assurera l’intérim durant une période maximale de 90 jours au cours de laquelle une présidentielle est organisée.
Cette annonce est intervenue après que l’armée eut, la semaine dernière, suggéré le départ du président algérien comme première étape d’une solution à la crise actuelle. Position à laquelle se sont ralliés rapidement l’essentiel des piliers de son régime. Samedi 30 mars, Ahmed Gaïd Saleh, chef d’état-major et personnage-clé du pouvoir, a soumis (pour la deuxième fois en quelques jours) aux Algériens un plan de sortie de crise basé sur la mise à l’écart du président, soit par une démission, soit par l’application de la clause 102 de la Constitution qui permet de le déclarer inapte à exercer le pouvoir. Pour l’armée, il s’agit là de la seule option qui puisse faire sortir l’Algérie de la crise actuelle, a répété le chef d’état-major. Mais dans son dernier communiqué, le ton du chef d’état-major était plus acerbe, insistant sur le fait que cette issue « constitue l’unique garantie à même de préserver une situation politique stable, afin de prémunir notre pays de toute situation malencontreuse », selon un communiqué du ministère algérien de la Défense. M. Gaïd Saleh a aussi mis en garde contre les « parties malintentionnées » qui préparent « un plan visant à porter atteinte à la crédibilité » de l’armée, assurant qu’il s’agissait là d’une « ligne rouge », et dénoncé la préparation d’une « campagne médiatique virulente » contre l’armée visant à faire croire, selon lui, que « le peuple algérien rejette l’application de l’article 102 de la Constitution ».
Mais à qui donc s’adresse ce message? Au peuple ou à certaines forces politiques? Dans son communiqué, le chef d’état-major a tenu à mentionner « les revendications légitimes du peuple » que certaines parties veulent « détourner ». Une façon de jouer avec les mots pour ne pas s’attirer les foudres du peuple, disent certains, alors que d’autres parlent de parties à l’intérieur même des cercles du pouvoir auxquelles le message est adressé, voire de divisions entre les caciques du pouvoir. En effet, l’armée a dit avoir eu connaissance d’une réunion suspecte qui aurait été organisée samedi 30 mars par « des individus connus dont l’identité sera dévoilée en temps opportun », selon le communiqué de l’armée. Toutes les propositions issues de ces réunions « suspectes » seraient « totalement inacceptables », conclut le communiqué du ministère.
Eviter tout tournant dangereux
Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que le puissant chef d’état-major tient à garder les rênes en main et qu’il n’entend pas laisser les choses prendre un tournant dangereux. D’abord, en lâchant Abdelaziz Bouteflika, dont il était jusqu’à peu un soutien indéfectible, l’armée a choisi de sacrifier le président pour préserver les fondements du système actuel et la cohésion de l’institution militaire. Or, cela semble être, du moins pour le moment, insuffisant pour répondre aux attentes des manifestants, dont les revendications portent bien au-delà du seul cas Bouteflika. A Alger, l’annonce de la démission prochaine de M. Bouteflika n’a suscité aucune euphorie, la rue revendiquant non seulement son départ, mais aussi la fin du « système » au pouvoir.
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