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Vent de colère en Algérie

Abir Taleb avec agences, Mardi, 26 février 2019

Plusieurs rassemblements ont eu lieu cette semaine dans différentes villes algériennes, dont la capitale Alger, contre la candidature de Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat. Un mouvement spontané, mais sans base politique.

Vent de colère en Algérie
Des manifestants algériens protestant contre la candidature de Bouteflika. (Photo : AFP)

C'est la première fois depuis 2011 que des manifestations aussi importantes ont lieu en Algérie. La candidature du prési­dent algérien, Abdelaziz Bouteflika, à un cinquième mandat est venu rompre cet état de léthargie. A deux mois de la présidentielle prévue le 18 avril prochain, des manifesta­tions ont éclaté cette semaine dans plusieurs villes algériennes, dont la capitale, Alger, suite à des appels lancés sur les réseaux sociaux contre le 5e mandat que brigue Abdelaziz Bouteflika, avec des slo­gans comme : « Pas de 5e man­dat », « Ni Bouteflika, ni Saïd » (frère du chef de l’Etat, souvent perçu comme son successeur poten­tiel). Le FLN, le parti au pouvoir, a dénoncé une volonté de semer la discorde dans le pays. Quelques heurts ont eu lieu avec les forces de l’ordre dans le centre de la capitale, où une partie des manifestants s’étaient rassemblés autour d’un certain Rachid Nekkaz, homme d’affaires de 47 ans, né en France où il a passé l’essentiel de sa vie, un candidat déclaré à la présidentielle en Algérie, très populaire grâce à son activité sur les réseaux sociaux. Le lendemain, ce dernier aurait été contraint par la police de quitter Alger, selon son directeur de cam­pagne. Des rassemblements sans incidents notables ont également eu lieu dans d’autres villes, dont Oran (ouest, deuxième ville du pays) ou encore Tizi Ouzou (centre) et Annaba (est).

Les manifestations du vendredi 22 février ne sont pas les premières, mais elles sont les plus importantes depuis l’annonce, le 10 février, de la candidature de M. Bouteflika, prési­dent depuis 1999, victime d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) en 2013 et très diminué physique­ment depuis. Dans son message du 10 février, le président algérien a devancé les critiques sur son état de santé qui, selon certains de ses oppo­sants, le rend inapte à gouverner. « Bien sûr, je n’ai plus les mêmes forces physiques qu’avant (...) mais la volonté inébranlable de servir la Patrie ne m’a jamais quitté et elle me permet de transcender les contraintes liées aux ennuis de santé », avait-il alors écrit.

Une opposition disparate

Peu convaincant pour les Algériens qui sont descendus dans la rue. Les autorités ne se sont pas exprimées sur le nombre de mani­festants à travers le pays. Mais il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’un mouvement de contestation au caractère à la fois massif, pacifique et spontané. Mais à l’instar d’autres mouvements dans d’autres pays, son contour et son avenir restent flous, et la réponse du pouvoir dif­ficile à prévoir. Autre particularité, le mouvement est parti des réseaux sociaux, hors de tout cadre poli­tique ou syndical. Côté politique, des partis d’opposition ont certes indiqué « soutenir » les marches, mais aucun parti ou syndicat n’en est à l’origine ou n’a appelé ouver­tement à y prendre part. Avec cette absence criante des partis d’opposi­tion qui soutiennent les manifes­tants seulement de loin, on se demande qui prendra sur le terrain politique le relais des manifesta­tions. Car sans acteur politique, le mouvement ne risque pas de débou­cher sur quelque chose de concret. D’autant plus que l’opposition peine à s’unir. En effet, la réunion tenue mercredi 20 février entre plu­sieurs responsables de l’opposition pour discuter d’une candidature unique à la présidentielle du 18 avril s’est achevée sans avancée sur le sujet. Dans un bref communiqué, ces responsables — parmi lesquels des candidats déclarés à la prési­dentielle — affirment simplement leur soutien aux « manifestations populaires » et « mettent en garde le pouvoir » contre la tentation « d’empêcher les citoyens d’exer­cer leur droit constitutionnel de manifester et d’exprimer leur refus de la continuité de la situation actuelle ». Mais sur l’élection elle-même et sur les candidatures, rien. « Les négociations vont se pour­suivre entre les différents acteurs opposés à la politique du fait accompli », dit le communiqué, sans autre détail.

L’idée de ces discussions a été lancée par Abdallah Djaballah, prési­dent du Front pour la Justice et le Développement (FJD, islamiste) et ancien candidat à la présidentielle de 2004 face à M. Bouteflika. Ont notamment pris part à la réunion, Ali Benflis, ancien premier ministre de M. Bouteflika, devenu son principal adversaire lors des présidentielles de 2004 et 2014, ainsi que Abderrazak Makri, chef et candidat désigné du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP, principal parti islamiste), et plusieurs représentants de forma­tions de moindre envergure. En revanche, deux partis historiques de l’opposition algérienne, le Front des Forces Socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), n’ont pas été invités, ces deux formations laïques ayant toutes deux annoncé boycotter la présidentielle. Quant à la cheffe du Parti des Travailleurs (PT, extrême gauche), Louisa Hanoune, candidate lors des trois précédents scrutins présidentiels, elle n’avait pas été conviée.

Face à ce mouvement d’envergure mais sans leadership réel et à une opposition disparate, du côté des autorités, dans le discours, rien ne change pour le moment. Au cours d’un meeting à Oran, Mouad Bouchareb, le leader du FLN, a affirmé : « Nous disons à ceux qui appellent au changement, faites de beaux rêves ».

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