Enfin, les Yéménites sont restés à la table de négociations pour trouver une issue à leur crise. (Photo : AFP)
Pour le moment, l’émissaire des Nations-Unies pour le Yémen, Martin Griffiths, se refuse à évoquer des «
pourparlers » et préfère le terme de «
discussions », en évoquant les consultations qui réunissent, depuis jeudi 6 décembre à Rimbo, une localité rurale située à une cinquantaine de kilomètres de Stockholm, en Suède, les belligérants au Yémen, soit le camp du président Abd-Rabbo Mansour Hadi et les rebelles houthis. Une façon de tempérer les excès d’enthousiasme.
Pragmatique, l’émissaire onusien a certes parlé d’une « opportunité unique » de ramener les belligérants sur le chemin de la paix, mais il s’est surtout montré prudent : « Je ne veux pas me montrer trop optimiste, mais je veux être très ambitieux », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au premier jour de ces négociations qui doivent se poursuivre jusqu'au 13 décembre. Mais de nouvelles discussions, formelles cette fois-ci, pourraient se tenir en 2019 pour confirmer la reprise du dialogue amorcé en Suède sous l’égide de l’Onu en vue d’engager un processus de paix. Premier bon signe, les deux camps ont exprimé leur disposition à se revoir dans les mois qui viennent.
Autre bon signe, les représentants du gouvernement et des Houthis ont tenu un premier face-à-face dimanche 9 décembre pour discuter de l’échange de prisonniers qui doit être supervisé par le Comité international de la Croix-Rouge. Il n’est ni encore question en revanche de négocier un cessez-le-feu, ni de trancher sur le sort du port stratégique de Hodeida (ouest), la question la plus épineuse. Les « consultations » en Suède sont d’abord destinées à « construire la confiance » et « réduire la violence » sur le terrain, a souligné l’émissaire de l’Onu, qui veut surtout ne pas rater cette nouvelle occasion en passant directement aux questions les plus délicates.
Dès le premier jour, un responsable de l’Onu s’exprimant sous couvert de l’anonymat parlait d’« esprit positif » dans les premiers contacts.
Car il s’agit des premières discussions entre les acteurs de la guerre du Yémen depuis la précédente tentative 2016, qui s’était soldée par un échec. En septembre dernier, une tentative mort-née avait achoppé sur le refus des négociateurs houthis de se rendre à Genève sans garantie sur leur voyage retour vers la capitale Sanaa et sur l’évacuation de rebelles blessés vers Oman. Ainsi, la seule présence, autour d’une même table de négociations, de représentants des deux parties est perçue en soi comme un exploit. Le reste, c’est-à-dire des pas concrets en vue d’une paix durable et réelle, n’est pas pour demain et la communauté internationale en est consciente. Réaliste lui aussi, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a appelé les deux camps à faire preuve de « flexibilité » et d’« un engagement de bonne foi sans condition préalable » pour « faire des progrès ».
Ce qui n’a pas empêché chacune des parties de poser ses conditions dès le lancement des consultations : les rebelles houthis doivent se retirer totalement de la ville portuaire de Hodeida, a exigé le ministre yéménite des Affaires étrangères qui dirige la délégation du camp de Hadi ; le trafic aérien civil doit reprendre à l’aéroport de la capitale Sanaa (sous contrôle houthi), a simultanément réclamé un haut responsable de la rébellion, une revendication assortie d’une menace : celle d’empêcher les avions de l’Onu d’utiliser l’aéroport. Une façon pour les uns et les autres de mettre la pression d’entrée avant de négocier. Le ton demeure donc hostile car les revendications des uns et des autres sont difficiles à satisfaire. Mais les belligérants ont tout de même fait des gestes avant de s’envoler pour la Suède puisque des rebelles blessés ont pu être évacués et un accord d’échange de prisonniers a été conclu.
Un contexte différent
Ces messages, que certains jugent contradictoires, en disent long sur la difficulté de la tâche de Martin Griffiths. L’envoyé spécial de l’Onu pour le Yémen a pour délicate mission de nouer le dialogue entre les deux camps. Conscient que le chemin est encore long pour de futures négociations de paix que l’Onu souhaite « inclusives », M. Griffiths estime des pourparlers de paix stricto sensu demeurent à ce stade hypothétiques. En attendant, les consultations, qui se tiennent actuellement en Suède, doivent, selon l’Onu, aboutir à une désescalade à Hodeida.
Occupé par les rebelles houthis, le grand port de l’ouest sur la mer Rouge est depuis le mois de juin l’objet d’une nouvelle offensive des forces gouvernementales appuyées par la coalition. Des négociations-tests afin de restaurer la confiance et passer aux choses sérieuses, c’est-à-dire aux bases concrètes d’un règlement politique. Sur le court terme, cela paraît invraisemblable, pourtant, selon les analystes, il existe cette fois-ci en particulier un contexte différent marqué par un certain nombre de raisons qui poussent à l’espoir. Et ces raisons, elles ne sont pas à chercher à l’intérieur du Yémen, mais du côté des acteurs régionaux de cette crise.
En effet, les consultations bénéficient d’un contexte diplomatique favorable, avec d’un côté, des pressions américaines sur l’Arabie saoudite, Washington voulant désormais en finir avec ce conflit, et d'un autre côté des pressions sur l’Iran, principal soutien des Houthis, affaibli par la série de nouvelles sanctions économiques américaines qui lui ont été récemment imposées.
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