Al-Ahram Hebdo : L’Italie s’apprête à accueillir une conférence sur la Libye, d’autres efforts ont été auparavant faits, et pourtant, on a l’impression que la communauté internationale n’en fait pas assez pour résoudre la crise libyenne. Qu’en pensez-vous ?
Khaled Al-Sherif : Bien avant la crise que nous traversons actuellement, les pays occidentaux sont restés muets sur tous les agissements de l’ancien régime en Libye. Au contraire, ils appuyaient le régime de Kadhafi malgré tous ses dépassements, et ce, pour plusieurs raisons, notamment le pétrole, et pour que ce régime préserve leurs propres intérêts. Ensuite, ils ont tenté de faire de Seif Al-Islam, son fils, un successeur, et ce, en collaboration avec les Frères musulmans. Mais les choses ont évolué de manières différentes et les Européens ont perdu leur contrôle sur la situation et sur les différents camps qu’ils soutiennent. Aujourd’hui, le plus grand souci de l’Union Européenne (UE) est la crise migratoire et le terrorisme. Et c’est ce qui les pousse à agir.
— Mais y a-t-il une véritable volonté de mettre fin au chaos qui règne ?
— L’Occident fait en sorte que la crise se prolonge pour que le seul espoir soit qu’on en finisse avec cette situation. C’est une façon de faire baisser la barre des revendications du peuple.
Ce qui se passe aujourd’hui est le résultat d’un complot ourdi dès les premiers jours de la révolution. Cette révolution avait été faite par les jeunes de manière un peu anarchique, puis l’Occident a soutenu des parties ayant un certain poids politique, des dissidents du régime de Kadhafi. Ensuite, l’islam politique, les Frères musulmans, est venu se greffer, soutenus par certains Etats. Puis, certains partisans de l’ancien régime. Puis des repris de justice qui ont pris la direction des milices armées. Bref, cela s’est transformé en chaos et les vrais révolutionnaires ont été marginalisés.
— Vous voulez dire que la crise libyenne a des origines bien profondes ...
— Oui. Cela remonte même à la fin de la monarchie en 1969. Tout au long du règne de Kadhafi, il n’y avait même pas de Constitution, c’était un régime basé sur une personne, une dictature absolue. Toutes les parties étaient marginalisées. Tout cela a donné lieu à ce que nous vivons aujourd’hui. Les différends qui ont éclaté au grand jour suite à la révolution étaient les fruits d’années de difficultés étouffées. Aujourd’hui, le pays est une panoplie de groupes armés, chacun soutenu par une puissance ou un pays donné, que ce soit en Occident ou dans la région. Et jusqu’à maintenant, la communauté internationale n’a pas pu s’entendre sur la succession de Kadhafi .
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