Réunis à Paris fin-mai, le président Macron a poussé le maréchal Haftar et Sarraj, président du Conseil présidentiel, de signer un accord de paix, jusqu'à aujourd'hui lettre morte.
(Photo:AP)
Une nouvelle tentative pour mettre fin au chaos libyen. Cette fois-ci, c’est l’Italie, un pays bien impliqué dans la crise libyenne, de par sa proximité géographique et son passé d’ex-colonie, qui accueille une conférence sur la Libye, les 12 et 13 novembre à Palerme en Sicile. Selon le ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, les discussions se concentreront sur une approche inclusive en vue de stabiliser le pays. Cette conférence de paix visera à « identifier les étapes d’un processus de stabilisation », a déclaré le ministre, en ajoutant que « l’objectif est d’aboutir à une solution commune, même s’il y a des différences d’opinions entre les différentes parties ».
Car les différends existent bel et bien. Tout comme les différentes approches pour résoudre la crise. Outre l’Italie, la France — qui a une vision différente de celle de sa voisine — avait elle aussi tenté de mettre du sien. Réunis à Paris fin mai par le président français, Emmanuel Macron, les quatre principaux protagonistes du conflit libyen s’étaient engagés à organiser des élections générales le 10 décembre. Si la France a continué à presser pour le respect de ce calendrier, nombreux sont ceux qui estimaient que la fragmentation et l’anarchie dans le pays rendaient ces promesses fragiles. Les Etats-Unis et l’Italie sont de cet avis.
Que propose donc l’Italie à la place de ce calendrier ? D’ores et déjà, le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a souligné qu’il s’agissait d’une conférence pour la Libye et non sur la Libye qui s’appuiera sur deux principes-clés : la responsabilité de la partie libyenne et le respect du parcours prévu par l’Onu pour résoudre la crise dans ce pays. Pragmatique, l’émissaire spécial de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, a lui aussi estimé qu’à cause des violences et des crises politique et économique persistantes, le calendrier électoral de Paris « devient difficile (à respecter) aussi pour d’autres raisons ». Il a ainsi cité par exemple le retard dans l’adoption de lois électorales. En effet, l’accord de Paris prévoyait la préparation d’une « base constitutionnelle » avant le 16 septembre, une première échéance déjà non respectée par le parlement qui était appelé notamment à adopter une loi référendaire sur un projet de Constitution. Selon le diplomate, « le référendum pourrait avoir lieu avant la fin de l’année », tandis que les élections, elles, pourraient être organisées d’ici « trois à quatre mois » si les conditions de sécurité le permettent.
L’insécurité, principal obstacle à la tenue d’élections
Mais ces conditions seront-elles remplies ? Pas si sûr, estiment les observateurs. « L’insécurité est l’obstacle numéro un qui entrave la tenue des élections ou même le référendum. Comment peut-on garantir un minimum de sécurité ou empêcher les attentats contre les bureaux de vote où des candidats dans un pays ou les milices font la loi et où les armes pullulent ? Il y a en Libye quelque 10 millions d’armes en circulation », explique Dr Ziyad Aql, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire.
Mais ce n’est pas tout. Toute solution en Libye passe certes par un processus électoral, mais aussi et surtout par une entente entre les grandes puissances. « L’efficacité de cette conférence dépend de la communauté internationale, estime Ziyad Aql. L’issue de la crise libyenne est entre les mains des grandes puissances ; autrement dit, si les pays concernés se mettent d’accord et unifient leurs vues, la crise peut être réglée. Mais pour le moment, chacune de ces puissances cherche à préserver ses propres intérêts. Et chaque camp a son allié qui le soutient et le défend ».
Déclarations de bonne volonté
Pourtant, du côté des différentes parties libyennes, chacun veut faire preuve de bonne volonté. La Libye est dirigée aujourd’hui par deux entités rivales : le Gouvernement d’union nationale (GNA, basé à Tripoli), issu d’un processus onusien et basé à Tripoli, et une autorité rivale installée dans l’est, soutenue par un parlement et une force armée dirigée par le maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier était en visite à Rome la semaine dernière où il a confirmé sa participation à cette conférence et a assuré être disponible pour une confrontation qu’il espère constructive et qui serait une condition préalable d’un vrai processus d’unification en ligne avec les attentes du peuple libyen.
Les parlements rivaux libyens ont convenu, à nouveau, de s’unir pour réformer les institutions de l’Etat dans le but d’unifier l’autorité du gouvernement, ont déclaré des responsables des deux côtés. Les deux ont convenu de travailler à la création d’un Conseil présidentiel (PC) unifié composé de trois membres au lieu de neuf : un président, deux vice-présidents et un premier ministre « pour mettre fin à la division », a déclaré Abdulsalam Nusia, un membre de la Chambre des représentants, sur Twitter, publiant même une déclaration commune.
Les porte-parole de la Chambre des représentants et du Conseil d’Etat ont confirmé que les deux parties avaient signé l’accord. « Le projet de réforme du pouvoir exécutif et d’unification des institutions de l’Etat est un projet national visant à mettre fin à la division dans le pays », indique le communiqué. Selon ce dernier, le gouvernement technocrate aura pour but d’améliorer la vie courante des Libyens, alors que le Conseil présidentiel prendra en charge, pour sa part, la finalisation de la transition politique. L’accord du Conseil de l’Etat sur les propositions du Parlement concernant l’amendement de l’accord de Skhirat de décembre 2015 a été remis à l’envoyé spécial Ghassan Salamé. L’accord obtenu est entièrement en phase avec la déclaration de Berlin sur la Libye, faite le 30 octobre, en marge de la tenue du G20-Afrique. C’était en présence de Fayez Al-Sarraj, président du Conseil présidentiel, Salah Aguila, président du parlement, Khaled Mechri, président du Conseil de l’Etat, et du maréchal Khalifa Haftar. La déclaration s’engage à tenir des élections parlementaires le plus tôt possible et s’oblige à respecter ses résultats. Dans les clauses de la déclaration figure la réouverture des registres d’inscription des électeurs et les différentes parties en conflit promettent de travailler sur l’amélioration des conditions générales pour la tenue des élections. Pour sa part, l’Onu appelle le Conseil présidentiel à appliquer les nouvelles dispositions sécuritaires qui préconisent de remplacer les milices armées par des éléments de forces de sécurité et de défense .
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