Les quatre dirigeants ont affirmé leur détermination à travailler ensemble pour créer les conditions propices à la paix. (Photo : AFP)
A la fin de leur sommet tenu à Istanbul vendredi 26 octobre, les dirigeants de la Turquie, de la Russie, de la France et de l’Allemagne ont appelé à préserver le cessez-le-feu en vigueur dans la province rebelle d’Idleb et à une solution politique du conflit qui ravage le pays depuis 2011. Selon le communiqué final, le sommet a aussi insisté sur la nécessité de poursuivre la lutte contre le terrorisme tout en saluant les progrès accomplis à Idleb (nord-ouest de la Syrie) en ce qui concerne la mise en place d’une zone démilitarisée et le retrait des groupes radicaux de cette zone, aux termes d’un accord turco-russe conclu en septembre. Lue par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, la déclaration finale a expliqué que les quatre présidents, turc Erdogan, russe Vladimir Poutine, français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, ont affirmé leur détermination à travailler ensemble pour créer les conditions propices à la paix et à la sécurité en Syrie et à soutenir une solution politique et renforcer le consensus international à cet égard. Ils ont aussi souligné l’importance d’assurer l’accès rapide, sûr et sans restrictions des organisations humanitaires à travers la Syrie. En outre, le sommet, inédit dans ce format, a appelé à créer les conditions permettant un retour sûr et volontaire des réfugiés et déplacés syriens. Les quatre pays ont également évoqué la reconstruction de la Syrie, mais ils ont décidé d’attendre l’établissement d’un règlement politique.
Le plus important dans leur déclaration était l’appel lancé par les quatre dirigeants à l’établissement et à une première réunion à Genève avant la fin de l’année du Comité constitutionnel censé élaborer une nouvelle loi fondamentale sous les auspices de l’Onu. « En cas d’élections, il appartient aux Syriens de l’intérieur et de l’extérieur de décider du sort d’Assad. Nous devons avancer dans le processus politique qui doit conduire à des élections libres, ouvertes à tous les Syriens, y compris ceux de la diaspora », a affirmé M. Erdogan. Une déclaration importante, car la communauté internationale a jeté la balle dans le camp des Syriens. Auparavant, la communauté internationale exigeait le départ du président syrien, Bachar Al-Assad, avant toutes négociations ou solutions. « Cette exigence était souvent un obstacle à solution politique. Ce changement de position est dû aux pressions russes. Il s’agit d’un accord tacite entre les grandes puissances, le sort de Bachar sera déterminé par les Syriens, et Bachar, à son tour, va accepter la formation du comité pour la création de la Constitution, mais pas tout de suite », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire.
Le comité constitutionnel, une tâche difficile
Mais, la formation d’un comité constitutionnel auquel le sommet d’Istanbul a apporté son soutien s’annonce comme l’un des principaux défis en raison du blocage du régime qui refuse que l’Onu désigne un tiers des 150 membres de cet organisme. L’émissaire des Nations-Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a expliqué devant l’Onu la situation. le gouvernement syrien a annoncé cette semaine à l’Onu son rejet d’un comité constitutionnel vu comme la première pierre à un règlement politique du conflit, provoquant la condamnation des Occidentaux. Depuis janvier, le médiateur, qui doit quitter ses fonctions fin novembre, travaille sur la composition du comité qui doit élaborer une nouvelle Constitution et comprendre selon son plan 150 personnes : 50 choisies par le régime, 50 par l’opposition et 50 par l’Onu, pour inclure dans la réflexion des représentants de la société civile et des experts. C’est cette dernière liste de 50 noms choisis par l’Onu que rejette le gouvernement syrien.
A Damas, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, n’a pas accepté de rôle de l’Onu pour identifier ou choisir qui composerait cette troisième liste. « Au contraire, Mouallem a indiqué que le gouvernement syrien et la Russie s’étaient mis d’accord récemment pour que les trois pays garants du processus d’Astana (Russie, Iran, Turquie) et la Syrie fassent une proposition sur cette troisième liste », a affirmé Staffan de Mistura, en ajoutant que « Mouallem a suggéré que je retire la troisième liste déjà sur la table. C’est possible, mais uniquement s’il y a un accord sur une nouvelle liste crédible, équilibrée et inclusive en accord avec la résolution 2 254 du Conseil de sécurité et la déclaration finale de Sotchi sur la création d’un comité constitutionnel qui avait été approuvée en janvier », a affirmé De Mistura. Sans surprise, les Occidentaux, Etats-Unis, France et Royaume-Uni en tête, ont vivement condamné le blocage de Damas à la création du Comité constitutionnel et réclamé qu’il soit réuni au plus vite. Pour les satisfaire, l’ambassadeur russe à l’Onu, Vassily Nebenzia, a expliqué : « On ne peut pas aller contre la volonté de la Syrie. Nous allons aider Staffan de Mistura à créer ce comité constitutionnel dans le respect de la souveraineté syrienne ».
Ainsi, le sommet d’Istanbul a souligné l’importance d’une coordination accrue entre les différentes initiatives internationales visant à parvenir à une solution crédible et viable du conflit syrien. « Pour obliger Bachar à accepter la création de ce comité, la communauté internationale a utilisé une autre arme : les djihadistes de Daech ont mené des combats hier, ont tué 80 combattants des forces gouvernementales syriennes et ont pris une ville près de Deir Ez-Zor. Cette avancée est la première depuis deux années de défaites continuelles. C’est donc un message envoyé à Bachar qui risque de se trouver seul face aux djihadistes », explique Dr Mona Soliman.
Sur le terrain, alors que se tenait le sommet, la situation était explosive à Idleb. Des frappes du régime y ont fait sept morts vendredi 26 octobre, le bilan le plus élevé depuis l’entrée en vigueur mi-septembre d’un accord russo-turc ayant imposé un relatif silence aux armes. D’où les déclarations de M. Macron qui a appelé la Russie à exercer une pression très claire sur le régime syrien pour garantir un cessez-le-feu stable et durable à Idleb. « Nous comptons sur la Russie pour exercer une pression très claire sur le régime, qui lui doit sa survie », a déclaré Macron. En réponse, Poutine a affirmé que Moscou se réservait le droit d’aider le gouvernement syrien à éliminer toute menace terroriste à Idleb en cas d’attaques menées par les radicaux.
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